L’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des défis majeurs du développement humain dans le monde. L’égalité, est non seulement une question politique et étique, mais aussi une garantie de l’efficacité des politiques de développement. En renforçant les droits des femmes et des filles, c’est l’humanité entière qui progresse. L’ODD 5 : « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » est un socle transversal à tous les Objectifs du développement durable pour 2030. Baromètre 2023 des solutions durables sur l’égalté de genre dans le monde à mi-parcours des ODD.
À seulement sept ans de l’échéance des Objectifs de développement durables (ODD) et de l’Agenda 2030, il se profile que ces ambitions ne seront pas atteintes. L’ODD 5, qui porte sur l’égalité de genre et l’autonomisation de toutes les femmes et filles, figure malheureusement au rang des objectifs ayant accumulé le plus de retard. L’autonomisation des femmes et des filles, la défense de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs, l’élimination de toutes les formes de discrimination fondées sur le genre dans tous les domaines de la vie sociale, politique et économique, la lutte contre les stéréotypes, sont autant de leviers pour le développement durable. En 2023, près de la moitié de la population mondiale estime encore que quand les emplois sont rares, les hommes doivent avoir la priorité sur les femmes. Il est impératif de nous interroger sur les causes de cet échec et de repenser notre engagement, d’autant plus que les récentes crises de dimension mondiale et régionale – COVID-19, guerre d’agression contre l’Ukraine, changement climatique, crise énergétique, alimentaire – ont aggravé la situation et menacent d’annihiler certains acquis sur l’égalité de genre. Dans un tel contexte, les gouvernements pourraient être tentés de recentrer leur attention et leurs financements vers certains ODD dits « plus importants ». L’Agenda 2030 et sa composante climatique ne peuvent pas être morcelés et vus comme des compromis : il est essentiel de recalibrer nos efforts pour que l’ODD 5 soit enfin au cœur des préoccupations politiques et des efforts visant à établir des sociétés plus fortes, durables et inclusives. Ceci est un impératif sociétal mais aussi un enjeu économique de taille. En effet, l’égalité de genre n’est pas limitée à l’ODD 5, mais est profondément intégrée aux 17 Objectifs de l’Agenda 2030. L’OCDE a calculé que près de la moitié des 247 indicateurs des ODD ont un lien direct avec l’égalité de genre. La diversité des thèmes abordés par le Baromètre des Solutions Durables 2023 sur l’égalité de genre reflète cette centralité. Que l’on parle de climat, de pauvreté, d’éducation, de santé, de travail, de justice, d’institutions ou encore de paix, l’égalité de genre est et doit toujours être au cœur de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques. Néanmoins les progrès sont lents et parfois décevants. Plutôt que de se pencher uniquement sur les symptômes des inégalités, tels que la brèche salariale, le manque de parité en politique, le faible nombre de femmes dans les professions d’ingénieur·e·s, nous devons nous interroger sur la face cachée des discriminations : il s’agit des « institutions sociales discriminatoires », c’est-à-dire des lois formelles et informelles ainsi que des pratiques et normes sociales qui dictent « ce qui est acceptable » pour les femmes et les hommes. Les inégalités « visibles » que nous constatons au quotidien prennent racine dans cette partie immergée de l’iceberg des inégalités. Les données de la cinquième édition de l’indice « Institutions sociales et égalité des genres » du Centre de Développement de l’OCDE (aussi appelé le SIGI), publiées en 2023, mettent en lumière ces obstacles structurels et permettent de recalibrer les efforts des parties prenantes. Par exemple, au niveau mondial, les femmes consacrent deux fois et demie plus de temps que les hommes au travail domestique non rémunéré. L’endogénéisation des normes sociales discriminantes ne se limite bien sûr pas aux hommes : un tiers des femmes elles-mêmes considèrent qu’un mari a le droit de battre sa femme dans certains cas – par exemple lorsqu’elle brûle le repas ou sort de la maison sans l’avertir. Ces chiffres troublants doivent nous alerter et servir d’aiguillon pour prendre le problème de l’inégalité de genre à bras le corps, dans son entièreté. L’iceberg des discriminations doit être appréhendé de manière holistique, afin de remettre le monde sur les rails de l’égalité de genre et du développement inclusif d’ici 2030. Bathylle MISSIKA Cheffe de la division des réseaux, des partenariats et de l’égalité des genres Centre de développement de l’OCDEBAROMÈTRE 2023 DES SOLUTIONS DURABLES
Le plein potentiel des femmes reste inexploité, dénonce l’ONU
Aucun pays n’a atteint la parité totale entre les sexes et moins de 1% des femmes et des filles vivent dans un pays où l’autonomisation des femmes est élevée et où l’écart entre les sexes est faible, selon un nouveau rapport publié mardi par deux agences onusiennes. Le rapport d’ONU Femmes et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a été présenté à la conférence Women Deliver à Kigali, au Rwanda. Les deux agences ont uni leurs forces pour proposer l’indice d’autonomisation des femmes (WEI) et l’indice mondial de parité entre les sexes (GGPI) comme indices jumeaux pour mesurer la parité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.Analyse de 114 pays
Ces indices offrent des perspectives différentes mais complémentaires pour évaluer les progrès dans la promotion du développement humain, du pouvoir et des libertés des femmes. Ensemble, ils mettent en lumière les défis complexes auxquels sont confrontées les femmes dans le monde et ouvrent la voie à des interventions ciblées et à des réformes politiques. L’analyse de 114 pays a révélé que le pouvoir et la liberté des femmes de faire des choix et de saisir les opportunités restent largement limités. La faible autonomisation des femmes et les écarts importants entre les sexes sont monnaie courante. L’indice d’autonomisation des femmes (WEI) mesure le pouvoir et la liberté des femmes de faire des choix et de saisir les opportunités de la vie à travers cinq dimensions : la santé, l’éducation, l’inclusion, la prise de décision et la violence à l’égard des femmes. De même, l’indice mondial de parité entre les sexes (GGPI) évalue le statut des femmes par rapport aux hommes dans les dimensions fondamentales du développement humain, notamment la santé, l’éducation, l’inclusion et la prise de décision. À l’échelle mondiale, les femmes sont habilitées à réaliser en moyenne seulement 60% de leur plein potentiel, tel que mesuré par le WEI. Elles réalisent, en moyenne, 72% de ce que les hommes réalisent dans les principales dimensions du développement humain, tel que mesuré par le GPPI, reflétant un écart de 28% entre les sexes. Ces déficits et disparités d’autonomisation nuisent non seulement au bien-être et à l’avancement des femmes, mais aussi au progrès humain.« Avec les objectifs de développement durable, la communauté mondiale s’est fermement engagée en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Cependant, nous pouvons voir clairement avec ces nouveaux indices que dans tous les pays, le plein potentiel des femmes reste inexploité et que de grands écarts entre les sexes continuent d’être monnaie courante, ce qui entrave et ralentit les progrès dans la réalisation de tous les objectifs », a déclaré la Directrice exécutive d’ONU Femmes, Sima Bahous. « Des efforts soutenus sont donc nécessaires pour tenir la promesse de l’égalité des sexes, garantir les droits humains des femmes et des filles et veiller à ce que leurs libertés fondamentales soient pleinement réalisées ».
À la moitié du parcours : Le développement durable en 2023
Impact sur le développement humain
Le rapport souligne également que moins de 1% des femmes et des filles vivent dans des pays où les niveaux d’autonomisation des femmes et la parité entre les sexes sont élevés, tandis que plus de 90% de la population féminine mondiale – 3,1 milliards de femmes et de filles – vivent dans des pays caractérisés par un grand déficit d’autonomisation des femmes et un grand écart entre les sexes.« Cette analyse révélatrice montre qu’un développement humain plus élevé n’est pas en soi une condition suffisante, car plus de la moitié des pays ayant des performances faibles et moyennes dans l’indice d’autonomisation des femmes et l’indice de parité mondiale se situent dans les groupes de développement humain très élevé et élevé », a déclaré l’Administrateur du PNUD, Achim Steiner. « Trop de femmes et de filles vivent dans des pays qui ne leur permettent d’atteindre qu’une fraction de leur potentiel et ces nouvelles idées nouvelles sont finalement conçues pour aider à apporter un réel changement – pour de vraies personnes ».Le WEI et le GGPI sont des outils utiles pour les décideurs politiques, fournissant des preuves essentielles sur les progrès et les actions politiques urgentes nécessaires pour parvenir à l’autonomisation des femmes et à l’égalité des sexes. Les indices révèlent la nécessité d’une action politique globale dans les domaines suivants :
- Politiques de santé : soutenir et promouvoir une vie longue et saine pour tous, en mettant l’accent sur l’accès universel à la santé sexuelle et reproductive.
- Égalité dans l’éducation : combler les lacunes en matière de compétences et de qualité de l’éducation, en particulier dans des domaines tels que les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), pour autonomiser les femmes et les filles à l’ère numérique.
- Équilibre entre vie professionnelle et vie privée et soutien aux familles : investir dans des politiques et des services qui favorisent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, notamment des services de garde d’enfants abordables et de qualité, des programmes de congé parental et des modalités de travail flexibles.
- Participation égale des femmes : fixer des objectifs et des plans d’action pour atteindre la parité entre les sexes dans toutes les sphères de la vie publique et éliminer les lois et réglementations discriminatoires qui freinent les femmes.
- Violence à l’égard des femmes : mettre en œuvre des mesures globales axées sur la prévention, la modification des normes sociales et l’élimination des lois et politiques discriminatoires.