Il y a du Jules Verne chez ce botaniste-là, écrit Weronika Zarachowicz dans Télérama. Parce qu’il avait l’intuition que « tout se passe là-haut », Francis Hallé a exploré la canopée tropicale – étage supérieur de la forêt – sur une étrange plate-forme gonflable, le Radeau des cimes. Une aventure humaine et scientifique hors norme qui a bouleversé notre connaissance du genre végétal. C’est peu dire que Francis Hallé aime les plantes, et les arbres en particulier. Ce scientifique de renommée internationale, découvreur de « l’architecture botanique », leur a consacré toute sa vie et contribué à renouveler notre regard sur elles et leur « radicale altérité ». Comprendre le règne végétal, dit-il, exige « une révolution intellectuelle ». C’est, aujourd’hui plus que jamais, une urgence alors que les dernières forêts primaires, sommet de la biodiversité et berceau de l’humanité, sont en train de disparaître dans l’indifférence quasi générale. Avec Aux origines des plantes, ouvrage collectif qu’il a codirigé pendant près de trois ans, il signe un magistral hymne à la magie végétale.
«J’ai perdu mon temps ; la seule chose importante dans la vie, c’est le jardinage», confiait Freud au crépuscule de sa vie. Un regret rapporté par le botaniste Francis Hallé, en introduction aux deux somptueux ouvrages dont il a assuré la direction scientifique. Intitulés Aux origines des plantes, ils racontent les arbres, les fleurs, les plantes et montrent quelle importance ils revêtent dans tous les champs de la vie, de la préhistoire à nos jours. Aliments, médicaments, parfums, ornements, matières premières industrielles, épurateurs de notre environnement… les plantes ont des rôles et des usages multiples et cruciaux. Et elles exercent sur l’homme un effet calmant, celui que recherchait le père de la psychanalyse. En deux volumes de plus de 650 pages, rédigées par trente-deux spécialistes, Aux origines des plantes brosse un état des lieux des connaissances sur l’univers végétal. Une somme donc, à la fois «chronique, bilan et perspectives» qui réussit pourtant le tour de force de se présenter aussi comme de beaux livres, qu’on prend grand plaisir à feuilleter, écrit Hélène Patriarca dans Libération. La maquette est élégante et l’iconographie superbe. Les illustrations reflètent l’approche adoptée par les chercheurs : «Mettre l’accent sur la plante entière, explique Francis Hallé, telle qu’on peut la voir à l’œil nu.» Chaque volume est organisé en une vingtaine de chapitres, confiés à un ou plusieurs spécialistes, ayant pour mission de décrire le «front pionnier des connaissances, la limite extrême des connaissances». «Les auteurs pointent du doigt ce qui n’est pas encore connu, ce qui doit faire l’objet de recherches.» Et le lecteur ne décroche pas : le vocabulaire scientifique a été simplifié «autant qu’il était possible sans dénaturer les concepts», et un glossaire complète les articles. Les textes sont agréables à lire, notamment parce qu’il en émane une sincère passion pour ces «êtres vivants, surprenants, si beaux, si utiles et encore si mal connus» , comme les décrit Hallé. Lui-même, spécialiste des forêts tropicales humides, chef de mission du Radeau des cimes, un outil d’exploration des canopées, de 1986 à 2003, s’est toujours dit fasciné par «la si complète altérité» des plantes par rapport à nous et au monde animal. Un exemple ? Leur vulnérabilité. «Détruire une plante est toujours aisé, écrit-il, elle ne risque pas de s’enfuir. Avec une simple tronçonneuse, quelques minutes suffisent pour jeter à bas un arbre de dix siècles. Sa longévité ne le protège pas, non violent par nature, il tombera sans se défendre ni se plaindre.»Des plantes anciennes à la botanique du XXIe siècle
Le premier volume restitue toutes les grandes questions que soulève actuellement la connaissance des plantes ainsi que toutes les directions empruntées par les recherches contemporaines : – leur histoire depuis l’origine : des plantes anciennes – arbres, fougères – aux plantes à fleurs ; – leur sexualité si « inventive », l’évolution et les caractéristiques de leur génome ; – leur architecture (et sa modélisation informatique) et les composantes de leur anatomie ; – les plantes dans leur milieu, leurs relations avec les sols, les communications entre elles, les modifications qu’elles apportent à l’environnement ; – les relations qu’elles entretiennent avec les organismes voisins : les champignons, les insectes (merveilleux exemple de coévolution) ; – la mise au point de l' »arbre généalogique » utilisant aussi bien les fossiles que le séquençage du génome. Il porte également un regard très nouveau sur leur extraordinaire capacité d’adaptation : beaucoup plus plastiques que les animaux, les plantes ont su s’adapter au froid, à la vie dans l’eau, à la sécheresse, à la situation épiphyte et même aux influences lunaires. Cet ouvrage magnifiquement illustré s’adresse donc à tous ceux que les végétaux intéressent. Ils découvriront un univers d’une rare richesse, plus vaste, plus complexe, plus luxuriant que celui de l’être humain et des espèces animales. Références : Aux origines des plantes – Volume 1 – Des plantes anciennes à la botanique du XXIe siècle de Francis Hallé – Editeur : Fayard – Parution : 01/10/2008 – Nb de pages : 675 pages – Format : 18 x 25 – Poids : 1920 g – EAN13 : 9782213628363 – Prix public : 52,00 € – Acheter Aux origines des plantes Volume I chez notre partenaire Eyrolles pour 49,40 €Des plantes et des hommes
Le second volume, codirigé avec l’ethnobotaniste et écrivain Pierre Lieutaghi, s’intéresse aux plantes et à leur relation avec les hommes et la société. De la plante préhistorique aux grandes cultures d’aujourd’hui, de l’origine des légumes à leur devenir, de l’histoire et de l’importance de la forêt tempérée à la protection des régions tropicales, des origines de l’agriculture aux techniques d’agroforesterie, les thèmes abordés ici touchent autant à l’histoire qu’à l’avenir des plantes, à leur protection, leur transformation, ou aux questions brûlantes de l’utilisation des OGM. C’est aussi l’usage qui est fait par l’homme du végétal que l’on retrouve dans cet ouvrage : les plantes soignent tout autant qu’elles parfument, teignent ou ornent nos balcons, maisons et intérieurs. Les plantes sont partout : dans l’alimentation, la pharmacopée, l’habitat, l’industrie. Mais cultivée, transformée, la diversité végétale tend de plus en plus à diminuer : que faire pour la conserver et, de ce fait, pour préserver notre espèce ? Car si la plante est importante pour notre survie matérielle, elle l’est aussi pour la part symbolique de notre être : la présence de l’arbre dans les mythes en atteste, mais aussi la domestication des plantes toxiques, la cueillette comme pratique sociale ou les plantes médicinales. Les scientifiques s’engagent aussi dans cet ouvrage. Ce qui donne lieu notamment à un plaidoyer pour les friches, amorces de forêt d’une grande richesse biologique, aujourd’hui menacées par le besoin en terres arables nécessaires à la production d’agrocarburants. Une «aberration dont on n’a pas fini de comptabiliser les dégâts écologiques et sociaux», écrit, sans détours, Pierre Lieutaghi. Les auteurs partagent la conviction de Francis Hallé : «Face aux graves problèmes écologiques auxquels est confrontée notre planète (pollution, réchauffement climatique, surpopulation, paupérisation du vivant…), face aux menaces que cela fait peser sur notre environnement quotidien, les plantes sont nos meilleures alliées.» Références : Aux origines des plantes – Volume 2 – Des plantes et des hommes de Francis Hallé et Pierre Lieutaghi – Editeur : Fayard – Parution : 13/10/2008 – Nb de pages : 666 pages – Format : 18 x 25 – Poids : 1905 g – EAN13 : 9782213630502 – Prix public : 52,00 € – Acheter Aux origines des plantes Volume II chez notre partenaire Eyrolles pour 49,40 €Francis Hallé : « Les arbres peuvent être immortels, et ça fait peur. »
Selon l’auteur de ces deux ouvrages remarquables, Francis Hallé, les plantes ne “végètent” pas, elles sont même plus évoluées que nous. Pour découvrir ce scientifique hors norme, je vous conseille de lire la rencontre réalisée par Weronika Zarachowicz pour Télérama. Je vous cite quelques phrases qui résument le fruit de ses nombreuses années de recherches : “On ne peut pas parler d’intelligence dans le règne végétal. Les plantes s’adaptent, communiquent, se défendent, mais il s’agit de phénomènes automatiques.” “L’arbre a cherché le carbone dans l’air, l’a épuré et transformé en bois. Couper un arbre, c’est comme détruire une usine d’épuration.” Ou encore : “C’est dans les forêts équatoriales qu’on trouve le maximum d’espèces dans un volume donné, beaucoup plus que dans le milieu marin. C’est donc une formidable perte.” Vous pouvez aussi découvrir les travaux de cet étonnant botaniste grâce à sa bibliographie. – Un monde sans hiver (1993) – Les tropiques : nature et sociétés (Le Seuil, 1993) – Éloge de la plante, Pour une nouvelle biologie (Le Seuil, 1999) : Dans ce livre, il soutient que les végétaux et l’espèce humaine ne sont en rien comparables. Les végétaux sont apparus bien avant les hommes et les animaux en général et ils leur survivront certainement. En effet, les animaux (dont l’homme) ont besoin des végétaux pour vivre (alimentation, environnement, etc.) alors que la majorité des végétaux est capable de vivre en totale autonomie et peut ainsi très bien se passer des animaux. – Le Radeau des cimes, L’exploration des canopées forestières avec Dany Cleyet-Marrel et Gilles Ebersolt, (Lattès, 2000) – Prix André Soubiran (Medec 2001) – Essai sur l’architecture et la dynamique de croissance des arbres tropicaux avec Oldeman, (Masson, 2002) – Architecture des plantes (2004) – Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud, 2005) – Prix « Homme et botanique » : Dans ce livre, Francis Hallé affirme tout d’abord la difficulté de définir l’arbre. À l’aide d’exemples, il montre que la hauteur au dessus du sol, le caractère ligneux de la plante, la présence de branches ne sont pas des caractéristiques que l’on peut conférer dans l’absolu aux arbres. Le biologiste cite Alessandro Baricco : « Définir l’arbre, c’est comme définir la bêtise : c’est presque impossible, et pourtant nous en connaissons tous d’excellents exemples ». Après s’être intéressé aux secrets de l’arbre, Francis Hallé présente tout ce que l’arbre apporte à l’homme et tire le portrait d’espèces remarquables comme, par exemple, le Durian, l’Eucalyptus ou l’Hévéa. Il soutient dans ce livre l’hypothèse de l’arbre coloniaire à partir d’observations et expériences réalisées par Roelof A. A. Oldeman et poursuivies par lui-même. L’arbre moderne ne serait pas un individu mais une colonie (à la différence des arbres primitifs comme les palmiers ou les araucaria qui ne le sont pas) ! Il considère les bourgeons comme des individus reliés entre eux à la façon des polypes sur un récif corallien. La réitération ou sa capacité à se multiplier végétativement prouve la divisibilité de l’arbre, ce phénomène se traduit par la production de rejets spontanés ou traumatiques. Or l’individu par définition n’est pas divisible. De plus, Francis Hallé s’étonne d’observer sur certains arbres des racines au sein même des unités réitérées, c’est-à-dire des racines au sein même des branches. Francis Hallé a aussi découvert la « timidité » de certains arbres (fagacées, pins), un phénomène tout aussi étonnant. Les branches ou les racines de certains arbres ne s’entremêlent point quand elles se rapprochent et décrivent une fente de timidité. Ce phénomène se traduit aussi entre les cimes de plusieurs arbres. On peut observer une fente de timidité entre différents arbres de la même espèce peut être lié à un échange de gaz. Quel avantage sélectif cela apporte-t-il à l’arbre ? Le travail scientifique de Francis Hallé est colossal, admirable et pourrait renverser des dogmes conceptuels : la plante dominerait-elle les animaux (parmi eux les hommes) ? L’arbre serait-il une colonie donc un ensemble d’entités fonctionnant de concert ? Que serait l’homme sans arbres ? Que peut-on lui devoir ? Ces livres apportent déjà beaucoup de réponses et nourrissent notre réflexion avec passion. Indispensables !