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Crise climatique & Emploi

Transition énergétique : une nécessité environnementale qui bénéficie au marché du travail

Tour d'horizon des créations d'emploi par Pascal Foucaud, agent territorial

Développement des énergies renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, essor de la mobilité électrique, réseaux et compteurs intelligents… La transition énergétique est à l’origine de créations d’emplois dans de nombreux domaines. Tour d’horizon.

pexels-gustavo-fring-4254171.jpg Comme le soulignait la loi de 2015, transition énergétique rime bien avec croissance verte… et impact positif sur l’emploi. Les évaluations macro-économiques de la stratégie bas carbone, réalisées par l’ADEME, tablent en effet sur la création nette de 540.000 emplois d’ici à 2030 et d’un million à l’horizon 2050. Les créations d’emplois directes et indirectes dans les secteurs bénéficiaires de cette transformation (énergies renouvelables, BTP, transports propres) compensent en effet largement les pertes dans les secteurs en décroissance (production et distribution de combustibles fossiles, industrie automobile). Selon l’ADEME, il faudra aussi organiser la reconversion d’environ 80.000 postes dans les secteurs impactés négativement. En 2022, plus de 20.000 postes liés à la transition énergétique sont déjà proposés. « Depuis 2017, nous recrutions entre 5.000 et 8.000 nouveaux salariés par an. Face à l’évolution des réglementations et à une demande qui explose, nos prévisions sont de l’ordre de 10.000 à 15.000 recrutements annuels dans les dix prochaines années, dont environ 30 % de cadres », explique ainsi Ghislain Eschasseriaux, délégué général de la Fédération des Services Energie Environnement (Fedene), qui regroupe sept syndicats et 500 entreprises. Bouygues Energies & Services, par exemple, a embauché 1.000 salariés dont 300 cadres en 2021 et en recrute 1.300 en 2022.

La filière électrique en première ligne

La filière électrique, en particulier, fait face à de grandes transformations de son activité pour servir la transition énergétique et intégrer les nouvelles technologies numériques dans ses systèmes. Pour atteindre ces objectifs, le secteur recrute en nombre des profils multiples et a annoncé la création de 200.000 emplois supplémentaires d’ici à 2030, dont 80.000 dédiés à l’efficacité énergétique des bâtiments et entre 30.000 et 60.000 liés aux énergies renouvelables. Dans un rapport, la filière a déjà identifié 23 métiers en tension, dont 11 sont particulièrement recherchés : technicien de bureau d’études, ingénieur d’étude électrique, data analyst, soudeur, conducteur de travaux, installateur de panneaux photovoltaïques, chargé d’affaires, technicien de maintenance électrique ou électronique, chef de projet, ingénieur cybersécurité… EDF a prévu 7.000 recrutements en CDI en 2022. Enedis, de son côté, dans une perspective de croissance continue, recrute cette année 2.200 collaborateurs partout en France, dont 1.000 en CDI et CDD et 1.200 en alternance – sachant que dans l’entreprise, 30 % des recrutement CDI sont issus de l’alternance. Principaux profils recherchés : des électrotechniciens (du CAP au BAC+2/3), des experts des systèmes électriques et des ingénieurs en cybersécurité (BAC+5), des chargés d’affaires et des chefs de projet raccordement (BAC+2/5). Avec plus de 100 métiers, Enedis est résolument engagée dans la transition énergétique des territoires à travers ses actions pour développer et moderniser les lignes électriques, raccorder les nouvelles installations d’énergies renouvelables au réseau de distribution, favoriser l’essor de l’électricité dans les usages et accélérer la mobilité électrique. L’entreprise de service public prévoit ainsi de raccorder un million de producteurs d’énergies renouvelables d’ici 2030 et déploie pour cela des solutions technologiques pour intégrer les EnR, tout en conservant une qualité d’alimentation électrique optimale. Enedis collabore également avec les acteurs clés, les fournisseurs d’énergie et les collectivités pour faciliter l’installation des bornes de recharge et accompagner la croissance du nombre de véhicules électriques dans les années à venir. Elle s’emploie aussi à répondre aux nouveaux besoins énergétiques avec le compteur Linky, qui permet d’accompagner les nouveaux modes de production et de consommation d’énergie.

Des emplois durables et non délocalisables

Sur le terrain, pour installer les compteurs intelligents, les bornes de recharge électrique ou les panneaux photovoltaïques chez les clients finaux, et les raccorder aux réseaux d’infrastructure, ce sont les entreprises spécialisées dans le déploiement qui interviennent. Ces acteurs de proximité créent des emplois durables et non délocalisables. Durables, car ils entrent dans le cycle de vie des services numériques, fondé sur le temps long – l’installation prend la plupart du temps plusieurs années et la maintenance s’étend sur plusieurs décennies. Non délocalisables, car il s’agit de métiers de terrain, avec un recrutement sur place, par exemple pour des postes de techniciens en fibre optique, en connexion, ou de tireurs de câbles… La durabilité est d’ailleurs favorisée par les possibilités nombreuses de reconversion interne, par l’adaptation de savoir-faire fondamentaux aux innovations. Solutions 30 est un des leaders européens de ce secteur, et compte aujourd’hui un réseau de plus de 15.000 techniciens, dont la moitié en CDI, avec un flux constant de plusieurs centaines d’embauches tous les ans. Sotranasa, sa filiale spécialisée dans l’installation de parcs photovoltaïques, vient par exemple d’annoncer le recrutement dans les six prochains mois de 400 collaborateurs dans le sud-ouest de la France sur des profils techniques : chefs d’équipes, chefs de projets, conducteurs de travaux et techniciens. Pour assurer la formation initiale et permanente de son personnel, Solutions 30 s’appuie d’ailleurs sur son propre dispositif de formation et de mise à niveau de ses collaborateurs et de ses sous-traitants. Ce modèle entrepreneurial se consolide, notamment par l’achat de sociétés plus petites, dans une dynamique de croissance, en France comme en Europe, qui semble garantir la pérennité des emplois dans la plupart des cas. Une dynamique durable, selon les propos de Gianbeppi Fortis, le PDG de Solutions 30, qui souligne un potentiel considérable : « Le marché européen de la transition énergétique en gestation est immense, comparable à celui de la fibre. Il est estimé entre 15 et 25 milliards d’euros pour un pays comme la France, et la demande est dopée par de nombreuses mesures incitatives »,

Le boom des énergies renouvelables

Les énergies renouvelables, éolien et photovoltaïque en tête, vont ainsi continuer à se développer, conformément à la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui prévoit dans ce domaine, la création de 34.000 à 66.000 emplois d’ici 2028, pour le développement et le montage de projet, l’installation d’équipements ou encore la maintenance. La filière de l’éolien en mer, notamment, connaît un développement rapide (800 emplois créés entre 2018 et 2020), avec la construction de trois usines d’aérogénérateurs et le lancement de projets de parcs à Saint-Nazaire, Fécamp et Saint-Brieuc. Outre les grands acteurs de l’éolien offshore, comme EDF, General Electric ou Areva, et leurs multiples filiales spécialisées, des PME indépendantes comme Valorem profitent également de cette croissance. La PME girondine est spécialisée dans les installations de production d’énergies renouvelables. Pionnier de l’éolien en France, elle développe également des parcs photovoltaïques et des petites centrales hydroélectriques. Au fil des années, le groupe a créé des filiales spécialisées dans les différentes phases de la vie d’une installation : Valrea pour la construction, Valemo pour l’exploitation et la maintenance, Optarel pour les solutions photovoltaïques sur toitures et Valorem Marine Solutions pour les énergies marines. En 2020, Valorem a réalisé un chiffre d’affaires de 90 M€ et a augmenté ses effectifs de 25 %, pour atteindre un total de 300 salariés. En croissance continue, le groupe continue à embaucher et recherche notamment des ingénieurs d’études, des techniciens de maintenance, des chargés de projet éolien et solaire, mais aussi des analystes de marchés et de systèmes électriques, des chargés d’exploitation ou des chargés de conduite… Valemo, sa filiale pour l’exploitation et la maintenance, vient d’être choisie par General Electric pour mener les inspections en mer des 80 éoliennes du parc de Saint-Nazaire, qui sera le premier parc éolien en mer français. Valorem a aussi levé récemment 145 M€ pour financer la réalisation d’un parc de 27 éoliennes en Finlande. L’entreprise a également lancé en octobre 2021 la construction de deux nouveaux projets en Occitanie : un parc photovoltaïque au sol en Haute-Garonne (8,5 M€) et un parc éolien dans le Tarn (35 M€).

L’emploi public s’ouvre aussi à des métiers d’avenir

La transition énergétique est également un secteur qui a le vent en poupe pour l’emploi public. Économe de flux, chargé de mission énergies renouvelables, chargé du plan air climat ou de la rénovation énergétique de l’habitat… Ces métiers d’avenir sont particulièrement pourvoyeurs d’emplois dans les collectivités territoriales. « Les métiers autour de la transition énergétique deviennent incontournables dans les collectivités à tous les échelons », observe ainsi Laure Voron, directrice de l’Asder (Association savoyarde pour le développement des énergies renouvelables). « Le conseiller en énergie partagée, par exemple, est devenu indispensable pour le suivi énergétique dans les communes de moins de 10.000 habitants ». Plusieurs dizaines de conseillers sont recrutés chaque année, par les intercommunalités et les syndicats d’énergies. « Nous embauchons des titulaires sur des emplois d’ingénieur ou d’attaché territorial, et aussi des contractuels, car certains postes s’ouvrent au grès des opportunités de financement », confirme Hélène Poimboeuf, directrice à la transition énergétique de Grenoble-Alpes Métropole. Dans le le public comme dans le privé, la transition énergétique est bien une chance pour l’emploi.

 

A propos de l’auteur Pascal Foucaud :

 » Je travaille dans l’administration territoriale sur des sujets de création d’emploi (pas simple, surtout en sortie de Covid et avec la crise énergétique qui s’annonce), et j’ai été amené à observer que de fait, la transition énergétique (et au-delà toutes les transitions qui sont tirées par la demande et par les politiques publiques) tirent à leur tour le marché de l’emploi. Comme par ailleurs je me sens concerné (comme une majorité de jeunes de ma génération), par la nécessité de changer de modèles de production et de façon de vivre, et que j’aime bien écrire, je me suis lancé dans la rédaction de cet article pour sensibiliser les lecteurs à cet aspect des choses.« 

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