C’est en juillet 2010 que les farines animales reviennent sur le tapis. L’Agence nationale de la sécurité des aliments (Anses) et le Conseil national de l’alimentation (CNA) avaient alors annoncé qu’ils allaient examiner une possible réintroduction en France de ces farines, après que la Commission européenne eût proposé d’assouplir les mesures de précaution. Ces mesures consistaient notamment à mettre fin à "l’abattage systématique" des animaux menacés lorsqu’un cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) était décelé, et autoriser à nouveau les farines animales pour les non-ruminants.
Le 31 mai dernier, le CNA s’est finalement prononcé en faveur de ce retour. Les membres du conseil constatent "une situation sanitaire désormais maîtrisée" et "une absence de risque pour la santé humaine". D’après le rapport, l’autorisation sera dans un premier temps limitée au secteur de l’aquaculture et dans un deuxième temps, après un bilan bénéfices / risques, étendue à l’alimentation des porcs et des volailles. En revanche, l’organisme se dit pour l’instant opposé à un élargissement aux bovins.
Le Conseil National de l’Alimentation rendra un avis définitif au gouvernement le 15 septembre prochain
Les farines animales évoquent immanquablement le souvenir de "la maladie de la vache folle". A la fin des années 80, ces farines de viandes et d’os d’origine animale qui servaient à nourrir leurs congénères destinés à la consommation, ont été à l’origine de l’encéphalopathie spongiforme bovine. L’épidémie qui avait débuté en Grande-Bretagne a atteint 185 000 vaches, conduit à l’abattage de milliers de troupeaux et fait plus de 200 victimes humaines de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Le 15 novembre 2000, la réduction en poudre de carcasses d’animaux est déclarée strictement interdite pour les animaux destinés à la consommation. Les déchets considérés comme à risque sont quant à eux détruits depuis 1996. Il s’agit de tous les produits susceptibles de véhiculer une maladie transmissible à l’homme ou à d’autres animaux (cadavres d’animaux infectés par l’ESB ou la tremblante du mouton, crâne de bovins, rate, moelle épinière…). Transformés en farines, ils ne sont alors plus destinés à l’alimentation d’animaux mais à l’incinération.
Suite au rapport du Conseil National de l’Alimentation, l’association Consommation logement et cadre de vie (CLCV) a fait connaître son opposition à un retour des farines animales. Une position que devrait partager beaucoup de consommateurs français, traumatisés par le souvenir de la vache folle. Les experts réunis à Strasbourg recommandent ainsi au gouvernement "une communication renforcée auprès des consommateurs".
L’éditorialiste Gilles DEBERNARDI écrit aujourd’hui dans Le Dauphiné Libéré : "Un éventuel revirement, sous réserve de validation européenne, laisse aujourd’hui pantois. Comme si l’exigence de santé publique allait céder, une fois encore, devant les pressions économiques. Blé, maïs et soja ne cessent d’augmenter, il faut vite trouver des aliments de substitution. Et voici comment la farine, maudite hier, redevient providentielle. Elle ira d’abord aux élevages de poissons, puis de porcs et de volaille. Pas question, parole, d’y impliquer la filière bovine ! À moins que l’implacable sécheresse, avec le foin s’échangeant à prix d’or, n’incite quelques-uns à retenter le diable…"