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Retour sur les éléctions européennes

Halte à l’écolomania !

Un article de Malakine

Depuis Dimanche soir et l’extraordinaire succès des listes d’Europe Ecologie, le système politico médiatique semble avoir échappé à toute rationalité. On entend des commentateurs nous dire très sérieusement, qu’une nouvelle ère s’ouvre, que l’écologie politique a enfin atteint le stade de sa maturité. Les Verts se sentent pousser des ailes et prétendent négocier d’égal à égal avec le PS dans la perspective des régionales. Bientôt, on nous annoncera même un candidat écolo face à Nicolas Sarkozy en 2012 !

Arrêtons le délire ! La percée des écologistes se s’est pas construite sur une adhésion à des thèses nouvelles ou en phase avec les problèmes de l’époque. Ils ont prospéré sur la défaillance de leurs concurrents, l’absence de tout débat de fond et surtout à un leader hors normes. L’Ecologie politique est bien sympathique, mais dans le contexte actuel, l’engouement unanime qu’elle suscite est plus que suspect. Comment ne pas y voir un nouvel avatar de l’idéologie libérale-mondialiste, un moyen bien pratique pour des élites impuissantes pour détourner l’attention des populations de la crise, voire pour faire accepter la régression formidable des niveaux de vie et des systèmes sociaux qu’elle va entraîner. Cohn-Bendit, champion de la politic-academy ! Le principal enseignement de ces élections – et je m’étonne que nul ne l’est souligné jusque ici – est que lorsqu’il n’y a pas de campagne, pas de débat de fond, quand les positions ne sont pas cristallisées autour d’enjeux clairement identifiés, les électeurs votent n’importe comment, de manière aléatoire ou irréfléchie, en se décidant à la dernière minute sur la dernière impression laissée par la dernière apparition médiatique des candidats. Dans ces cas là, le vote se fait sur un mouvement de sympathie ou une volonté de d’envoyer tout balader. La campagne européenne n’a duré que quelques jours. Elle n’a connu que deux évènements marquant : le débat chez Arlette Chabot et le film Home diffusé le lendemain. Le débat-pugillat de France 2 fût un grand moment de télévision, un monument de spectacle politique. Le choix du téléspectateur s’imposait de lui même tant Dany Cohn-Bendit crevait l’écran. Il était le seul parlementaire européen, le seul qui parlait d’un point de vue européen, au centre du jeu, volubile, sympa, brillant, sincère, drôle, décontracté, nature, amical avec tous, y compris avec ceux du camp d’en face qu’il tutoyait avec une évidence complicité. Pas sectaire, le dany ! Après s’être fait insulté et calomnié de la manière la plus honteuse qui soit par Bayrou, il s’est offert le luxe de lui tendre la main pour la constitution de sa future coalition anti-Barroso. Comment ne pas craquer ? Le vote Cohn-bendit ne serait-il pas qu’une nouvelle expression de la staracadémisation, celle qui avait déjà conduit les socialistes à préférer Ségolène Royal pour sa fraicheur virginale et sa féminité lumineuse ou qui avait conduit les électeurs français, quelques mois plus tard, a lui préférer Sarkozy, parce qu’il faisait plus homme d’Etat. Dimanche, les électeurs ont voté Cohn-Bendit parce qu’ils aimeraient que tous les hommes politiques lui ressemblent et parce qu’il faisait parlementaire européen quand les autres ne faisaient que chefs de leur boutique partisane. Que les socialistes se rassurent : on verra le vote écolo retomber comme un soufflet, lorsqu’une fois Dany retourné en Allemagne, les verts ressortiront leur logo au tournesol, leur pisse-froid psychorigides et leurs ayatollahs anti-tout.

Une idéologie pour enfant de huit ans

Il n’y a pas message plus simple à faire passer, d’idée plus facile à comprendre et plus consensuelle que de vouloir « sauver la planète » Tout le monde n’est pas nécessairement d’accord pour vouloir libéraliser et flexibiliser, accorder davantage d’aides aux plus fragiles, pour quitter l’Union Européenne ou au contraire « faire l’Europe », reconstruire une économie à l’intérieur de frontières commerciales ou au contraire renforcer notre compétitivité dans la mondialisation. Mais pour protéger la nature, éviter les dérèglements climatiques, ou pourquoi pas l’apocalypse, puisque le film Home laissait entendre, avec le ton tragique du commentaire et ses musiques de science fiction, ni plus ni moins que la prochaine disparition de toute vie sur terre… ça tout le monde est pour ! Même les enfants de 8 ans. Pourtant, un programme réellement écologiste n’aurait pas grand chose de consensuel. Le traitement pour lutter contre la consommation des ressources, freiner les émissions de gaz à effet de serre et anticiper sur la fin des hydrocarbures, serait même plutôt douloureux. La véritable doctrine de ce courant de pensée, c’est la décroissance, c’est-à-dire, consommer moins, produire moins, gagner moins, être moins nombreux, quand ce n’est pas, pour les plus radicaux, de vivre dans une yourte au fin fond de la Corrèze, se nourrir avec les produits troqués contre quelque productions artisanales à un producteur bio du village, s’éclairer à la bougie, ne pas se chauffer en hiver et chier dans un compost au fond du jardin ! La littérature des penseurs de la décroissance ne fait pas vraiment envie. Pour ceux qui s’y intéressent vraiment, je ne peux que conseiller la lecture de Jean Marc Jancovici. Personnellement, son « économie de guerre » et projet ruraliste m’a plutôt fait froid dans le dos, mais il y en a qui aiment. Rien de tel dans le programme d’Europe Ecologie. Pas une mesure impopulaire ! Les dépenses nouvelles jaillissent à chaque page du programme, mais aucune hausse de la pression fiscale nulle part. Les taxes nouvelles seront bien évidemment compensées pour les plus fragiles. Vous travaillerez moins mais, vous verrez, vous gagnerez autant … L’élevage produit autant de gaz à effet de serre que les transports. Pourtant les écolos se sont bien gardé d’annoncer que la viande (re)deviendrait un produit de luxe pour jour de fête. On parle de véhicules propres, mais on se fait discret sur le doublement du prix de l’essence que préconisait pourtant Cohn-Bendit il y a 10 ans…! Même du point de vue qui est le sien, on cherche désespérément dans le programme d’Europe Ecologie, ce qui pourrait réellement constituer une rupture pour éviter la catastrophe annoncée. Marianne2 n’a pas tort de qualifier le programme d’Europe Ecologie de programme Bisounours La politique c’est l’art d’arbitrer entre des intérêts divergents. Un programme qui ne comporte aucune mesure susceptible d’être impopulaire, qui ne s’en prend à aucune position acquise, qui ne crée aucun clivage idéologique, n’est pas une doctrine politique. C’est un prêche, une profession de foi, un mensonge, une tromperie, une escroquerie intellectuelle, une manipulation démocratique, un discours pour les enfants ou les débiles, tout ce qu’on veut, mais ce n’est pas une offre politique !

Une idéologie qui tombe à pic

La simultanéité de la crise avec la prise de conscience écologiste est troublante. En 2007, la campagne avait d’abord été marquée par le pacte de Nicolas Hulot, puis une fois que tous l’ont signé, plus rien… Très peu d’engouement populaire autour du grenelle de l’environnement. Quasiment rien lorsque le pétrole, les matières premières et les prix agricoles se sont mises à flamber. A l’époque, on était sur la question du pouvoir d’achat, on se moquait de Christine Lagarde qui conseillait aux Français (non sans raison) de prendre l’habitude de se déplacer en vélo. Mais depuis la crise, tout le monde ne parle plus que de plan de croissance verte, de changement de modèle et de mutation écologique. Curieux non ? A l’origine de cet engouement, il y a peut-être une intuition selon laquelle la mutation écologique ouvre la voie à la sortie de crise. L’industrie automobile licencie ? Pas grave, on va construire des panneaux solaires ! A mon sens cette thèse est erronée, car elle fait l’impasse sur la question de la solvabilité de la demande qui est à la racine de la crise. (j’y reviendrais bientôt) On est donc très tenté de voir dans cette mode une idéologie opportuniste destinée à détourner l’attention des licenciements et des plans sociaux pour lequel les pouvoirs publics sont impuissants. Cette petite manipulation n’est pas sans rappeler la montée de l’antiracisme dans les années 80, organisée par l’Elysée après le tournant de la rigueur de 1983. Le gouvernement ayant fait le choix du chômage au nom de l’Europe et de l’orthodoxie, il avait besoin d’un nouvel ennemi contre lequel s’exciter. C’est ainsi qu’il a fait croire à une menace fasciste et s’est refait une virginité à bon compte. Aujourd’hui, le « changement climatique » est dans le rôle de la peste brune d’hier, un ennemi providentiel qui fait tout passer au second plan tant il est effrayant. L’écologisme contemporain va plus loin encore. Il ne se limite pas à détourner l’attention de la crise ; il la justifie, il l’explique, il la légitime à gros coups de storytelling : l’industrie automobile va mal parce que les voitures émettent trop de CO2. Les usines ferment parce qu’elles sont polluantes ! Tout cela est explicitement dans le programme d’Europe Ecologique « Mettre des milliards pour sauver des industries obsolètes, polluantes ou délocalisables ne sert à rien, sinon à prolonger les causes de la crise. La transformation est nécessaire. Elle passe par la conversion écologique de l’économie, seule réponse responsable et globale à la crise du système » Ce n’est pas que les consommateurs n’ont plus les moyens d’acheter des voitures. C’est qu’ils ne veulent plus ! Ils attendent qu’elles soient enfin propres pour retourner dans les concessions. Et voilà comment d’un coup, on évacue le problème de la compression de la demande par écrasement des salaires. Voilà comment on arrive à se réjouir de l’annonce des plans sociaux. Voilà comment on se rassure en inventant un scénario de sortie de crise qui ne correspond à rien. L’écologie est une idéologie anxiogène mais c’est paradoxalement le meilleur des anxiolytiques par temps de crise.

Un autre avatar du libéralisme

Les rapports entre qu’entretient l’écologie avec l’idéologie de la mondialisation et le libéralisme sont d’ailleurs particulièrement troubles, suffisamment pour y voir un allié objectif des forces du marché qui sont à la recherche de rendements toujours plus haut et de salaires toujours plus faibles. L’écologie est peut-être même un autre avatar de l’individualisme libéral. Il ne s’agit pas bien sûr de l’individualisme libéral dans sa forme virile, l’exaltation de la compétition et le culte de la réussite individuelle. Plutôt au contraire un individualisme paresseux et jouisseur, celui qui veut la réduction du temps de travail sans perte de salaire, des villes sans voitures et des campagnes sans usines. Observons bien le discours des verts : les industries sont délocalisables, donc obsolètes. Il ne s’agit même plus de lutter contre les délocalisations mais de faire une croix au plus vite sur tout ce qui est susceptible de partir pour accélérer la mutation. Exactement ce que disent les économistes libéraux ! Et par quoi on remplace ces emplois ? Par des emplois socialement utiles, des emplois publics, associatifs, le tiers secteur, l’économie sociale et solidaire. C’est très exactement le modèle bipolaire décrit par Patrick Artus dans son portrait sombre de l’Amérique d’aujourd’hui. Ce modèle défendu par les partisans de la mondialisation, dont Artus lui-même dit qu’il ne peut que conduire à la ruine : Des emplois hautement qualifiés (donc propres) et des emplois bas de gamme dans l’économie domestique (mais socialement utiles) Entre les deux plus rien. Plus d’industrie, plus de classe moyenne, plus d’emplois à forte productivité. Les verts partagent d’autres points communs avec les libéraux, comme leur méfiance à l’égard de l’Etat et la politique. Tous deux préfèrent miser sur la somme de comportements individuels éclairés pour changer la société. Quand le libéral veut construire sa cité idéale en faisant de l’individu un consommateur avide et un compétiteur forcené ; le vert rêve d’en faire un consom’acteur responsable qui pratique le commerce équitable, achète bio et se déplace en vélo. Même rapport au peuple. Le libéral ne croit pas à l’égalité entre les hommes et cherche à se distinguer de la masse par sa réussite et son fortune qu’il aime à exhiber. L’écolo lui appartenir à une avant-garde de l’humanité. Il ne rejette pas la croyance en l’égalité entre les hommes, mais il se sent néanmoins supérieurement évolué. Avec sa conscience planétaire hautement avancée, il est parvenu à élever ses désirs pour les rendre « durables ». Les siens sont sobres, éthiques, responsables ; ceux du peuple sont vulgaires, bassement matérialistes et pulsionnels. Qu’on ne se méprenne pas. Je n’entends pas faire du négationnisme écologique. J’invite juste à relativiser ce qui s’est passé sur le plan politique dimanche dernier. Les verts ont toujours été un mélange de doux rêveurs et de militants monomaniaques. Ils ne changeront pas. Cette campagne fût une anomalie dans leur histoire et s’est conclue par un accident électoral. Néanmoins, la mutation verte et nécessaire. Elle appelle des décisions lourdes, des ruptures profondes et peut-être douloureuses. Ce point suffit d’ailleurs à infirmer la thèse de l’évènement politique. On ne réunira jamais 20 % des voix sur un programme de purge, ni pour se passer du pétrole, ni pour ramener les finances publiques à l’équilibre, ni pour augmenter le prix des produits importés. La révolution verte est nécessaire, mais il y a encore plus urgent. Le préalable est de s’atteler de remettre notre économie sur pied. Sans réforme du capitalisme, il n’y aura pas de révolution écologique possible. Ce ne sera pas la décroissance, seulement la dépression. Pour paraphraser la formule de Chirac au sommet de la terre en 2002 “Notre économie brûle mais nous regardons ailleurs” Malakine

 

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1 COMMENTAIRE

  1. Halte à l’écolomania !
    Et si on pouvait se réjouir un peu au lieu de dire que cela ne durera pas.
    Certes, l’effondrement du PS est pour une large part dans le score d’europe Ecologie mais pas seulement. Ils ont su rassembler (Bové est plutot décroissant d’ailleurs, Cohn-Bendit pas franchement) et proposer un autre modèle, fondé sur l’homme une économie à son service, pas l’inverse. On ne vote pas pour l’écologie politique sans avoir pris conscience un minimum des enjeux écologiques, on peut se réjouir de cette prise de conscience. Si les idées des verts sont reprises par ailleurs et qu’ils ne refont plus un tel score, peu importe, les idées avancent…