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Sommet de Copenhague J-25

Capture et stockage de carbone : le rôle des milieux naturels dans la lutte contre le changement climatique

Une étude de France Nature Environnement

A quelques semaines d’un accord mondial sur le climat à Copenhague, les difficultés à s’accorder sur des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre suscitent un grand intérêt pour des solutions palliatives, parmi lesquelles la capture et le stockage artificiel souterrain de CO2. Dans le même temps, les politiques actuelles de lutte contre le changement climatique sous-estiment le potentiel des systèmes naturels dans la capture et la séquestration de carbone, pourtant plus sûr et moins coûteux. Aujourd’hui, la tendance est en effet malheureusement à la dégradation alarmante de ces milieux, les conduisant non seulement à perdre leur capacité de stockage mais à émettre à leur tour une grande quantité de gaz à effet de serre. France Nature Environnement (FNE), à la veille de la Conférence de Copenhague en décembre et de l’Année de la Biodiversité en 2010, nous rappelle, avec cette étude, qu’il est plus que temps d’allier ces deux préoccupations au sein d’une politique environnementale cohérente. Cette étude démontre aussi que le captage et stockage artificiel du carbone, présenté comme une solution miracle par les fournisseurs d’énergies fossiles, présente des risques pour l’environnement (fuites de CO2 dans les sols, les nappes d’eau souterraines ou les fosses sous-marines, avec acidification de ces milieux) et les riverains de ces installations.

LE RÔLE DES ÉCOSYSTÈMES DANS LE CYCLE DU CARBONE

Le carbone fait partie des éléments indispensables à la vie. De ce fait, il circule constamment entre organismes et réservoirs. Il existe deux cycles du carbone en interaction étroite, mais répondant à des échelles de temps très différentes : un cycle court, qui implique le vivant, les océans de surface et les sols, et un cycle long dans lequel interviennent l’océan profond, les roches et sédiments, les volcans et les combustibles fossiles. Les réservoirs de carbone sur terre (en Gigatonnes) – Roches et sédiments : 66 000 000 – Océan profond : 38 000 – Combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) : 5000 – Sols : 1560 – Océan de surface : 1000 – Atmosphère : 800 (600 avant l’industrialisation) – Biomasse (végétaux et animaux) : 610 La combustion des combustibles fossiles envoie chaque année 6,4 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère. La moitié reste dans l’atmosphère, l’autre moitié est absorbée par les océans et les végétaux. Depuis l’industrialisation, l’action de l’homme a perturbé cet équilibre. Pour répondre à des besoins grandissants en énergie, les hommes sont allés puiser dans les ressources fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) et les ont brûlés massivement, émettant d’immenses quantités de carbone vers l’atmosphère. Cela pose deux problèmes : d’une part, l’épuisement de la ressource est inéluctable, puisqu’on la consomme bien plus vite qu’elle ne se forme. D’autre part, du carbone est envoyé dans l’atmosphère à une vitesse telle qu’il ne peut que s’y accumuler, d’où l’impact sur le climat. Malgré l’importance des émissions de carbone dans l’atmosphère, son accumulation est limitée par l’existence de deux « puits de carbone » : l’océan et la végétation. Aujourd’hui, ces deux puits absorbent la moitié du carbone émis par les activités humaines, réduisant significativement l’ampleur du réchauffement. – L’océan : L’océan absorbe du carbone via deux mécanismes : une « pompe physique » et une « pompe biologique ». La pompe physique vient de la dissolution du CO2 atmosphérique dans les eaux de surface : elle égalise la concentration en CO2 de chaque côté de l’interface eau/air. Ce mécanisme permet de stocker du carbone en profondeur pendant environ 1000 ans (échelle de temps de la circulation océanique profonde). La pompe biologique est due à l’activité du phytoplancton de surface : par photosynthèse, il fixe le CO2 dissous dans les eaux de surface, réduisant ainsi la quantité de CO2 en surface, donc augmentant l’absorption. A leur mort, les organismes tomberont puis sédimenteront, stockant le CO2 dans les sédiments océaniques après plusieurs dizaines de milliers d’années. Cependant, ce phytoplancton est sensible à l’acidité : l’acidification de l’océan par l’augmentation de la concentration en CO2 risque donc d’en réduire la quantité, et par là même l’efficacité de la pompe biologique. Par ailleurs, la végétation aquatique dans les zones côtières contribue significativement à la séquestration du carbone dans les sédiments océaniques, dont on estime qu’entre 50 et 71 % provient de ces écosystèmes côtiers. – La végétation et les sols : Second puits de carbone, la végétation absorbe le CO2 par photosynthèse, en particulier lors de sa croissance. Ce carbone est ensuite stocké, d’abord dans les végétaux, puis à leur mort dans le sol. Tous les sols ne stockent pas la même quantité de carbone, ni pendant la même durée, mais de façon générale, les forêts, les tourbières et les prairies naturelles stockent plus de carbone que les terres agricoles cultivées intensivement.

L’IMPACT DES ACTIVITÉS HUMAINES SUR LES CAPACITÉS DE STOCKAGE DE CARBONE DES MILIEUX

Actuellement, le stockage de carbone par les sols diminue. Ce constat s’explique notamment par leur mauvais état dû à des pratiques inadaptées. Ainsi, 7 % des sols français sont touchés par l’érosion. La dégradation des sols a de nombreuses conséquences écologiques, qui vont de la diminution du stock de carbone à la désertification, en passant par la baisse de la fertilité. – Impacts de l’agriculture : L’activité agricole, par la combustion de biomasse, le pâturage excessif, la mauvaise utilisation des fertilisants, ou encore le labour et le drainage (qui, en augmentant la température du sol et en réduisant son humidité, accélèrent la décomposition de la matière organique responsable des émissions de CO2 par le sol), a tendance à réduire le stock de carbone organique du sol et à augmenter les émissions de CO2. Elle peut aussi entraîner une érosion et une dégradation des sols, qui perdent en biodiversité et en productivité ; la baisse de productivité entraîne une réduction des apports de matières organiques au sol (qui viennent pour l’essentiel des résidus végétaux), et donc du stock de carbone organique. – Impacts de la sylviculture : En relation avec l’augmentation du risque de tempêtes, les politiques actuelles en matière forestière visent à intensifier la production en raccourcissant les cycles d’exploitation. 60 % du stock de carbone de nos forêts se trouve dans les sols. En augmentant à outrance les exportations de bois, le tassement généré par les engins d’exploitation se trouve accéléré, ce qui s’oppose au bon fonctionnement du sol et limite ainsi le stockage de carbone. Pour répondre aux engagements du Grenelle en matière d’utilisation d’énergies renouvelables, les projets d’utilisation du bois énergie se multiplient. Néanmoins, il faut rester vigilants sur les risques d’appauvrissement du milieu liés à une exportation de matière excessive. Impacts de la conversion des milieuxConversion des tourbières : Les tourbières occupent la première place dans la hiérarchie des écosystèmes terrestres stockant le plus de carbone. En raison de conditions asphyxiantes (présence d’eau permanente), le taux de décomposition des végétaux qui s’y sont accumulés est très faible, conduisant à une accumulation de matière organique, donc de carbone. Exploitées depuis des temps immémoriaux comme source de combustible, elles sont aujourd’hui gravement menacées à plus large échelle. Dans de nombreux pays, elles subissent des drainages visant à créer des terres cultivables, ce qui augmente le risque d’incendie dans ces milieux fragiles et réamorce les processus de décomposition. – Conversion des forêts : Aujourd’hui, la destruction des forêts tropicales primaires à une échelle sans précédent est justifiée par la rentabilité économique à court terme, pour alimenter la croissance économique des pays émergents et les marchés des pays industrialisés. Au Brésil, les forêts primaires sont détruites pour cultiver le soja qui alimente notre bétail et la canne à sucre pour produire du bioéthanol, tandis qu’en Indonésie, elles sont rasées pour l’huile de palme qui inonde déjà nos supermarchés et alimentera bientôt nos voitures. Ces deux pays sont ainsi entrés dans le top 4 des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. La déforestation tropicale contribue ainsi à 18 % de nos émissions mondiales de gaz à effet de serre. La pratique répandue du brûlis pour rendre une ancienne forêt apte à être cultivée a pour conséquence un relarguage massif du stock de carbone contenu dans le sol. Dans les cas où ces forêts sont brûlées sans exploitation préalable des bois, c’est l’ensemble du stock de carbone de la forêt qui est relargué dans l’atmosphère. On estime que le bilan carbone d’une forêt ayant subi une coupe rase redevient positif seulement au bout de 15 ans. L’exploitation des forêts primaires a donc des impacts durables sur leurs capacités de stockage de carbone, même si elles sont reboisées par la suite. – Impacts de l’artificialisation : En France, l’équivalent de la surface d’un département est urbanisé tous les 10 ans, par un grignotage continu des espaces naturels et agricoles. En imperméabilisant les sols, leurs capacités de stockage de carbone sont ainsi limitées. De plus, l’étalement urbain contribue au gaspillage énergétique. Cette artificialisation des sols est un processus irréversible. – Impacts sur les océans : Les habitats tels que les mangroves, marais saumâtres, herbiers marins et récifs coralliens contribuent pour une part non négligeable au stockage de carbone océanique ; ils représentent ainsi plus de 50 % du stock de carbone sédimentaire des océans. Ces écosystèmes stockent l’équivalent de la moitié des émissions annuelles du secteur du transport. La biomasse des océans ne représente que 0,05 % de la biomasse terrestre, et pourtant, elle capte près de 55 % du carbone utilisé par les végétaux. Or, chaque année, c’est près de 7 % de ces écosystèmes qui sont détruits. La pollution des eaux marines et la destruction des écosystèmes côtiers, en réduisant la surface des habitats propices, ont pour conséquences de diminuer les capacités de stockage de carbone des océans.

LES IMPACTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

La dégradation des milieux naturels risque d’être encore accélérée du fait du changement climatique et de ses diverses manifestations possibles. En effet, parce qu’il résulte de changements dans le cycle du carbone, et parce qu’il modifie les conditions dans lesquelles les milieux évoluent, il aura des conséquences sur eux comme sur le carbone qu’ils contiennent. Il est désormais établi que le changement climatique va occasionner une plus grande variabilité des précipitations, une hausse du niveau des eaux, une plus grande fréquence des catastrophes naturelles, des dérèglements climatiques localisés tel qu’un « Warm pool el Niño » sur la zone centrale du Pacifique équatorial. Mais à ce jour, ses effets sur les milieux ne sont pas tous connus avec précision : ils dépendent d’une multitude de paramètres ayant une grande variabilité régionale et entretenant des relations complexes. Compte tenu des nombreuses interactions entre milieux, cycle du carbone et climat, il ne fait toutefois aucun doute que le changement climatique aura des effets sur les milieux, et que des modifications des milieux auront, à leur tour, des effets sur le climat. – Impacts sur les milieux terrestres : sols et forêts : On ne sait donc pas quel effet net le changement climatique aura sur le stock de carbone des sols, c’est-à-dire s’il l’augmentera en renforçant sa capacité d’absorption du carbone, ou si au contraire il le réduira, transformant le sol en émetteur net de CO2 et amplifiant le phénomène de réchauffement. En effet, d’une part, une hausse de la température et de l’humidité augmenterait la production végétale, et donc non seulement le captage de CO2, mais aussi l’apport de carbone au sol par les résidus des plantes. Mais, de l’autre côté, cela accélérerait la décomposition du carbone organique des sols, et donc le rythme d’émission du carbone vers l’atmosphère. Sans compter que le changement climatique risque de modifier la composition des écosystèmes, ce qui peut également avoir un impact sur leur capacité à stocker/émettre du CO2. Certains modèles prédisent par exemple que les écosystèmes terrestres ne capteront le CO2 que jusqu’en 2050 et deviendront ensuite des sources1 d’émission de CO2. Parmi les écosystèmes continentaux concernés, les forêts sont ceux qui stockent la plus grande quantité de carbone, dans leur végétation comme dans leur sol. Elles constituent par ailleurs un bon exemple d’écosystèmes que le changement climatique risque de modifier dans leur composition même. La hausse de la température risque d’abord d’avoir des effets sur l’ensemble des fonctions biologiques des forêts : augmentation de la respiration et du métabolisme des végétaux, accélération de la décomposition de la litière, de la minéralisation de l’azote par les sols et de la nitrification ou du renouvellement des feuilles. En plus de modifier le fonctionnement interne des écosystèmes, on s’attend à ce que la hausse de la température augmente les risques d’incendies et leur fréquence. Enfin, les épisodes de sécheresses, s’ils sont plus fréquents, peuvent avoir un impact sur la répartition des essences, les plus tolérantes à la sécheresse étant amenées à prendre le dessus sur celles ayant besoin de beaucoup d’eau. En matière de stockage du carbone, à court terme, il est possible que ce soit l’augmentation de la productivité végétale (due à la fois à la chaleur et à la plus forte disponibilité en carbone atmosphérique) qui l’emporte, augmentant le stockage de carbone. A plus long terme, c’est beaucoup moins sûr. En effet, la croissance des arbres est accélérée par une plus grande disponibilité en CO2. Mais ce phénomène accélère les cycles de croissance sans générer de nouveaux stocks de carbone, car les écosystèmes forestiers sont déjà à leur maximum de productivité. Ainsi, la production annuelle augmente, tandis que la capacité de production des écosystèmes reste inchangée. On s’attend à ce que la capacité de séquestration de forêts tempérées continue d’augmenter pendant au moins les 20 prochaines années. En revanche, les forêts boréales, verront leur productivité augmenter (donc plus d’absorption de CO2), parallèlement à l’augmentation du rythme de décomposition de la matière organique du sol : au bilan, il est possible que cela aboutisse à des pertes nettes de carbone. Quant aux forêts tropicales, leur capacité de séquestration devrait avoir diminué vers 2050, et elles pourraient devenir des sources de CO2 à la fin du 21e siècle. Cela viendrait à la fois du fait que beaucoup de forêts tropicales humides pourraient s’assécher et de la diminution de la diversité biologique liée au changement climatique. – Impact sur les milieux marins : zones côtières, océans : L’océan joue un rôle majeur de tampon aux perturbations de l’atmosphère, notamment via l’absorption et le transport de chaleur, mais aussi l’absorption de CO2. On estime ainsi qu’il a absorbé un tiers des émissions de CO2 dues à l’activité humaine depuis le début de l’ère industrielle. Cette absorption de quantités croissantes de CO2 n’est pas sans conséquences ; la principale est l’acidification des eaux, qui menace la biodiversité océanique et risque donc de réduire l’efficacité de la pompe biologique. D’autre part, on s’attendait à ce que la capacité d’absorption des océans augmente avec la concentration atmosphérique de CO2, mais il semble que cela ne soit pas le cas partout : les observations indiquent un déclin dans les océans du sud, sans qu’il n’y ait d’accord de la communauté scientifique sur ses causes. Plus généralement, le réchauffement climatique en lui-même a des effets sur les océans. La hausse de la température, associée à la hausse de la concentration en carbone dissous dans les eaux de surfaces, réduit la solubilité du CO2 dans l’eau : plus l’eau est chaude, moins la pompe physique est efficace, donc moins l’océan absorbe de carbone. L’augmentation de la température de l’eau augmente aussi la stratification de l’océan, limitant la circulation verticale : l’eau chaude, moins dense, reste en surface, et il y a peu d’échange et de mélange avec les eaux profondes plus froides et plus riches en nutriments. Cela menace la biodiversité, contribue à modifier la productivité du plancton, et réduit la part de carbone dissous qui sera entraînée vers les fonds océaniques. Il l semblerait donc que la capacité des océans d’agir comme des puits à carbone s’affaiblisse à l’avenir, avec quelques signes tendant à indiquer que cette tendance est d’ores et déjà détectable.

UNE FAUSSE BONNE IDÉE : LE PASSAGE DU NATUREL A L’ARTIFICIEL, PAR LA CAPTURE ET LE STOCKAGE ARTIFICIEL DU CARBONE

Si des solutions scientifiques toutes plus farfelues les unes que les autres ont vu le jour pour tenter de remédier aux concentrations excessives de carbone dans l’atmosphère, aucune d’entre elles n’a fait ses preuves. Pourtant, l’une a rencontré un écho favorable auprès de nombreux pays : il s’agit du captage et stockage artificiel du carbone. Le processus consiste à capter le CO2 produit par de grandes installations fortement émettrices (centrales thermiques, usines, etc.). Il est ensuite transporté pour être stocké dans des couches géologiques profondes, où les conditions de température et de pression permettent un stockage sous forme liquide. Le but est de l’isoler de l’atmosphère sur le long terme. Cette technique est aujourd’hui présentée par les fournisseurs d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) comme la solution miracle qui permettrait, pour les centrales électriques thermiques, d’éviter le relarguage de CO2 à l’atmosphère lorsque la technique sera au point, vers 2050. Plutôt que de diminuer drastiquement leurs émissions, les industries peuvent ainsi continuer à produire des gaz à effet de serre sous prétexte qu’elles les enterrent. Le stockage artificiel permet de prolonger l’utilisation de ressources fossiles. Des expérimentations de stockage artificiel sont d’ores et déjà en cours. Des financements considérables sont ainsi détournés de la recherche sur les énergies renouvelables ; 26 millions pour le stockage artificiel contre seulement 2 pour l’éolien et 2 pour la géothermie. On estime qu’il faudra investir 25 % de plus en 2015 dans une centrale au charbon rien que pour la phase de captage du CO2, avec pour résultat une production d’énergie inférieure de 25 %, rendant ainsi ces techniques extrêmement coûteuses. De plus, cette technologie nécessite une production additionnelle de gaz à effet de serre, par le surcoût énergétique de près de 40 % qu’elle génère. C’est sans compter le transport du CO2, qui doit aussi être acheminé vers les quelques sites de stockage. Or, cette technologie présente des risques pour l’environnement (fuites de CO2 dans les sols, les nappes d’eau souterraines ou les fosses sous-marines, avec acidification de ces milieux) et les riverains de ces installations. Les fuites accidentelles peuvent être mortelles, comme dans le cas du lac Nyos au Cameroun, où l’émission d’une énorme bulle de CO2 suite à une éruption volcanique avait tué 1700 personnes et des milliers d’animaux dans un rayon de 25 km. De plus, l’augmentation du CO2 dans la partie peu profonde du sous-sol peut avoir des effets létaux sur les plantes et les animaux et contaminer les eaux souterraines.

LES CHANGEMENTS NÉCESSAIRES A AMÉLIORATION DES CAPACITÉS NATURELLES DE CAPTURE ET STOCKAGE DES MILIEUX

Les sols : Les sols doivent non seulement être restaurés afin que soit retrouvée et améliorée leur fonction naturelle de réservoir de carbone, mais encore préservés contre des risques de dégradation accentués, du fait de l’homme et du changement climatique. Il s’agit d’assurer la mise en place de techniques agricoles visant non plus à épuiser mais à préserver la richesse naturelle des sols. Ces techniques culturales peuvent, d’une part, réduire leurs émissions de protoxyde d’azote et de méthane, par le recours préférentiel à des engrais organiques issus des résidus des récoltes précédentes, à la rotation des cultures, à des cultures pérennes, à une irrigation mesurée qui permette une meilleure respiration des sols et au drainage annuel des rizières pour faciliter leur aération. Là encore, c’est la prévention qui prime, un sol bien préparé et une organisation des cultures bien pensée permet de limiter fortement les intrants. Ces méthodes visent, d’autre part, à accroître les absorptions de carbone par le sol. Un changement d’utilisation des terres agricoles peut être nécessaire, par la restauration des zones humides (marais, tourbières) ou des prairies qui séquestrent d’avantage de carbone qu’un champ cultivé. À ces changements d’utilisation doit se combiner une nouvelle gestion des terres agricoles visant à aménager les champs cultivés (créations de bandes d’herbes en bordure de champ) et introduisant de nouvelles pratiques culturales. Une évolution essentielle devra consister en la réduction des labours qui détruisent la fertilisation naturelle de l’humus, le maintien des résidus de récolte et le passage au semis direct. Au-delà de la préservation des sols par des techniques de gestion durable, il est aujourd’hui indispensable de mettre en place un cadre juridique permettant de les appréhender comme une ressource non renouvelable et un milieu à part entière. Au niveau international, la fonction des sols comme puits de carbone a été reconnue dès 1997 par le Protocole de Kyoto. Ils ne sont cependant envisagés que sous l’angle de l’Utilisation des Terres, de leur Changement d’affectation et de la Foresterie (l’UTCF ou LULUCF : Land Use, land-Use Change and Forestry), qui s’est focalisé d’avantage sur les émissions de CO2 des forêts que sur les possibilités d’accroître les absorptions de carbone dans les sols, notamment agricoles. Ce texte ne se penche donc pas sur les indicateurs permettant un suivi et une protection de la qualité des sols. Au niveau européen, c’est en 2006 qu’une communication de la Commission européenne a mis en évidence la dégradation des sols européens et appelé à la mise en place de pratiques uniformes. Ce constat avait conduit à l’élaboration en 2007 d’une Directive Cadre sur la protection des sols dont l’adoption avait été empêchée par une minorité d’Etats membres, dont l’abstention de la France. La reprise des travaux sur cette Directive est en cours, et devrait reprendre en 2010 sous la présidence espagnole de l’Union Européenne, avec le soutien de la France récemment exprimé par Chantal Jouanno. La France, premier pays agricole européen, a une carte à jouer dans le développement de modèles agricoles moins émissifs et plus aptes à favoriser le stockage de carbone. L’agriculture à haute valeur environnementale est en première ligne pour répondre au défi du changement climatique. Peu consommatrice d’intrants (moins de 30 % du chiffre d’affaire), elle laisse une place à la nature sur 10 % de sa surface, ce qui favorise la bonne fonctionnalité de l’espace agricole et le stockage de carbone dans les sols et les éléments fixes du paysage (haies, mares). Ce nouveau modèle agricole doit donc être soutenu par les pouvoirs publics, dans un premier temps par un crédit d’impôt et à plus long terme par une réorientation des aides de la PAC. La France devra par ailleurs mettre en place une politique de lutte contre l’artificialisation et l’étalement urbain. La trame verte et bleue en cours d’élaboration devrait ainsi contribuer à la mise en oeuvre nationale d’une réelle cohérence écologique. – Stockage dans les forêts : La lutte contre le changement climatique implique nécessairement la lutte contre la déforestation et la dégradation afin de, tout à la fois, réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par de telles pratiques (qui représentent 20 % des émissions mondiales) et d’augmenter leur capacité de séquestration du carbone. Au niveau international, cette double préoccupation est au coeur du REDD (Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts), qui est en cours d’élaboration sous l’égide de l’ONU. Allant au-delà du volet sur la LULUCF du Protocole de Kyoto qui concerne les seuls pays développés, ce mécanisme vise à rétribuer les pays forestiers qui s’engageraient à maintenir leurs forêts debout. La logique de l’initiative est de rendre la conservation et la protection des forêts économiquement plus rentable que la poursuite de leur dégradation. L’argent versé par la communauté internationale serait ensuite reversé à titre compensatoire à des projets sur le terrain et à destination de ceux qui vivaient traditionnellement de la déforestation. Ce projet se heurte cependant à deux séries de difficultés. Les premières difficultés sont techniques et concernent les méthodes d’évaluation des quantités de carbone stockées par chaque type de forêt, comme de celles dont l’émission est évitée grâce à la déforestation empêchée. Les secondes sont d’ordre financier. Créer un mécanisme d’incitation économique ayant vocation à compenser les coûts de la non exploitation (ou de l’exploitation mieux contrôlée) de la ressource forestière suppose en effet de disposer de fonds conséquents. Les méthodes d’alimentation de ces fonds, par des participations multilatérales, par l’introduction de crédits REDD sur le marché du carbone ou par l’instauration d’un mécanisme de financement hybride et évolutif, sont au coeur des discussions actuelles. Elles devraient trouver une issue lors du Sommet de Copenhague, en décembre prochain. La France a par ailleurs un rôle particulier à jouer. Quatrième pays européen par sa surface forestière, la forêt y représente près de 30 % du territoire hexagonal. Elle est en outre le seul pays industrialisé à posséder des forêts tropicales primaires avec la Guyane française. Privilégier une exploitation raisonnée respectant les capacités du milieu reste une valeur sûre, à la fois économiquement et écologiquement, pour préserver le premier puits de carbone de notre territoire métropolitain. L’intérêt de la conservation du bois mort et des rémanents d’exploitation (branchages, etc.) pour la conservation de la biodiversité et du stock de carbone des forêts est à souligner. – Les océans et milieux aquatiques : Malgré la reconnaissance de leur capacité essentielle de stockage de carbone, les océans ne sont toujours pas intégrés dans une politique globale de lutte contre le réchauffement climatique. Le récent rapport Carbone Bleu réalisé par le Programme des Nations-Unis pour l’Environnement en collaboration avec la FAO et l’UNESCO a pourtant soulevé la nécessité d’intégrer la restauration des écosystèmes marins mondiaux, tels que les algues, les récifs coralliens et les zones humides côtières dans une stratégie globale et durable de lutte contre le changement climatique.

CONCLUSION

Cette étude réalisée par France Nature Environnement. Elle met l’accent sur le rôle central des écosystèmes côtiers et de leur végétation, et identifie cinq séries d’actions à mettre en place : – La création d’un fonds pour la protection des écosystèmes marins et l’amélioration de la capture du carbone océanique. Ce fonds serait assorti de la création d’un mécanisme d’échanges crédits de « carbone bleu » qui permettrait de financer l’effort à fournier par les pays en développement ; – La protection immédiate et urgente d’au moins 80 % des forêts de mangrove, des prairies sous-marines et marais ; – La mise en place de nouvelles méthodes de gestion permettant d’améliorer les capacités de stockage des écosystèmes marins ; – L’établissement d’une approche globale et intégrée des écosystèmes, de nature à assurer la sécurité alimentaire et l’adaptation des populations et des systèmes naturels au changement climatique ; – L’instauration de stratégies d’atténuation gagnant-gagnant dans tous les secteurs dépendants des océans, incluant notamment l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le transport maritime et l’introduction de méthodes de pêche et d’aquaculture durables. Pour France Nature Environnement, ces thématiques devront figurer en bonne place lors des prochaines négociations internationales, mais aussi dans les politiques maritimes françaises à venir. La France représente en effet le premier domaine maritime mondial, soit 11,5 millions de km², grâce à ses territoires d’outre-mer. Elle possède ainsi des écosystèmes marins de fort intérêt biologique et à fort potentiel de stockage de carbone tels que les récifs coralliens. Pour conclure, les mesures pour améliorer le stockage du carbone ne doivent pas devenir une alternative à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. La sobriété énergétique doit rester la priorité stratégique de toute politique durable et responsable.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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