La transition indispensable pour répondre à l’enjeu climatique est un processus long, jalonné d’étapes de natures différentes et de défis nouveaux. Chacune de ces étapes requiert des outils spécifiques et adaptés pour comprendre et prévenir les difficultés économiques, sociales ou industrielles inhérentes à chaque phase de la transformation engagée (exploration des options, amorçage des solutions, balisage réglementaire, déploiement de masse). La gouvernance de cette transition doit pouvoir s’appuyer sur des outils de dialogue et de concertation renouvelés au fur et à mesure que les défis nouveaux apparaissent. À travers la Plateforme « Mobilité en transition », l’Iddri et la Fondation européenne pour le climat proposent d’expérimenter à la fois un processus multi-parties prenantes d’approfondissement des enjeux, de caractérisation des risques ou opportunités et un outil unique de dialogue protégé, dans l’objectif d’alimenter le débat public et la compréhension des décideurs politiques. Ce billet de blog revient sur cette démarche innovante, qui a vocation à être étendue à d’autres secteurs de la transition pour en faciliter la mise en œuvre.
Par Jean-Philippe Hermine, Expert Mobilité Senior, et Marjorie Mascaro, Chargée de communication, animation et digital, Plateforme "Agora Mobilité en Transition"
Même s’il existe des différences significatives en fonction des secteurs d’activités ou de consommation, il est possible de retenir schématiquement 5 grandes phases pour décrire le processus de transition vers un monde décarboné (en considérant ici la perspective et les domaines de responsabilité des décideurs publics) :
En Europe et en particulier en France, le secteur de la mobilité et des transports se situe au passage charnière de la quatrième à la cinquième phase décrites ci-dessus. Dans le cadre de boucles d’itération entre étapes visant à affiner les trajectoires, les discussions encore en cours portent principalement sur des questions de calendrier qui, même si elles restent importantes, sont relativement marginales s’agissant de décrire les contraintes ou les conséquences du déploiement de masse à mettre en œuvre, ceci dans des échéances qui resteront très contraintes pour cette industrie à forte inertie (fin des véhicules thermiques autour de 2035 et mise en place de zones à faibles émissions avec restriction de trafic dans les agglomérations grandes et moyennes d’ici 2025 pour les véhicules particuliers et utilitaires).
Le secteur de la mobilité peut en effet être considéré comme relativement en avance de phase par rapport aux autres secteurs qui en sont, pour certains, encore à hésiter entre les solutions technologiques alternatives, sur l’acceptabilité des ruptures ou sur la part des évolutions comportementales possibles et souhaitables. Cette maturité avancée sur le chemin de la transition est justifiée par deux éléments :
Les trajectoires et objectifs réglementaires pour l’horizon 2030 sont dorénavant clairs, et renforcés récemment par l’adoption du paquet climatique européen « Fit for 55 ». L’offre constructeur, que ce soit pour les véhicules particuliers, utilitaires, de transports collectifs ou les véhicules industriels, semble émerger alors que les technologies classiques mises en œuvre durant plus d’un siècle ne font plus l’objet d’investissements et sont, de fait, promises à une disparition lente mais inéluctable. Par ailleurs, les territoires, métropoles en tête, ont également pris leurs responsabilités en établissant des calendriers de mise en place des zones à faibles émissions, en participant au renouvellement des infrastructures de charge et en encourageant des programmes de report modal.
On pourrait donc considérer que la transition vers la mobilité très bas-carbone est bien engagée, avec une trajectoire fixée, balisée et avec des acteurs économiques et politiques sans états d’âme sur le besoin et les efforts requis par chacun. Il serait toutefois dangereux de considérer que le principal est fait, et suffisant pour réussir la transition.
D’une part, les trajectoires de transition ainsi définies exigent de réunir de manière simultanée un ensemble de conditions industrielles (reconversion des sites, accès aux matières premières, etc.), économiques, et de développement d’infrastructures. Autant d’exigences qui sont interdépendantes et liées à des avancés dans d’autres secteurs, tels que l’énergie (décarbonée) ou la mise en œuvre d’une économie circulaire. Le caractère systémique de la transition requiert une coordination et une cohérence trans-sectorielle qui n’est pas acquise et requiert une grande vigilance.
D’autre part, la transition a un coût économique et social qui sera supporté en partie seulement par la puissance publique. Le renchérissement des déplacements, les besoins accélérés de renouvellement d’un parc non complètement amorti, les exclusions de circulation en centres-villes pour les véhicules les plus anciens (généralement d’occasion qui constituent la flotte des populations les plus fragiles), sont autant de difficultés à identifier, caractériser et gérer collectivement pour éviter les crises, les tensions ou les phénomènes de rejets, voire de potentiels renoncements politiques. S’agissant du transport, les précédents des Bonnets rouges ou des Gilets jaunes en France sont des marqueurs du débat politique qui forcent à anticiper la question de l’acceptabilité et de l’accompagnement des transformations envisagées.
Dans ce contexte, la Plateforme « Mobilité en transition » entend accompagner le succès de la transition de la phase d’amorçage à la phase de déploiement massif dans le secteur de la mobilité et du transport. La trajectoire est déjà clairement définie par l’arsenal règlementaire européen (Fit for 55, CAFE [1], Règlement AFIR [2], Directive batterie), et complétée par des objectifs nationaux (SNBC, Loi LOM, vignettes Crit’air, plan de déploiement des ZFE, etc.), avec un objectif très clair : atteindre la neutralité carbone en 2050.
L’atteinte de cet objectif nécessite des outils de dialogue renouvelés ; ce sont les conditions de ce dialogue que la plateforme entend mettre en œuvre, par :
La Plateforme « Mobilité en transition » est une initiative ambitieuse et originale dans sa méthode et dans sa raison d’être : une approche volontariste pour identifier les leviers d’une gestion équilibrée et efficiente des aspects environnementaux, sociaux, industriels et économiques. Elle l’est aussi dans le périmètre de son action : un horizon court d’une dizaine d’années pour les enjeux concrets de mise en œuvre opérationnelle de la transition, sur le territoire français, avec l’ambition néanmoins d’intervenir également dans le débat auprès des autorités européennes. Elle entend ainsi constituer modestement un outil nouveau dans la gouvernance collective qui s’impose pour la réussite de la transition.
En parallèle des plans de relance de 2020, la Commission européenne, la France, l’Allemagne et d’autres États membres de l’Union européenne ont simultanément annoncé des stratégies ambitieuses de développement de l’hydrogène, représentant plus de 50 milliards d’euros d’investissements à l’horizon 2030. L’objectif étant, in fine, de contribuer à l’atteinte de la neutralité climat. Cette Étude vise à identifier les principaux enjeux du développement des technologies de l’hydrogène, pour que celui-ci contribue effectivement à atteindre un système neutre en émissions de façon durable.
Messages clés
[1] Corporate Average Fuel Economy - Norme européenne qui limite à 95 g/km le taux moyen de CO2 émis par les VP neufs vendus à partir de 2020 pour tous les constructeurs.
[2] Règlementation européenne sur les infrastructures de carburants alternatifs.
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