La Note de La Fabrique Ecologique « Les prairies et l’élevage des ruminants au cœur de la transition agricole et alimentaire » est issue du groupe de travail présidé par François Demarcq. Elle s’attèle à résoudre la contradiction apparente entre le besoin de protéger les prairies permanentes - stock important de carbone et pourvoyeuses de services écosystémiques - et la nécessité de réduire la place de l’élevage dans notre production agricole, afin de réduire les émissions de méthane dues aux ruminants comme notre consommation de protéines animales.
Face à l’urgence écologique et aux enjeux sanitaires, la transition agricole et alimentaire, donc de l’élevage, est indispensable mais s’avère complexe. Cette note s’attèle à résoudre la contradiction apparente entre :
La construction d’une vision holistique des prairies et de l’élevage des ruminants, qui intègre les impératifs de lutte contre l’effet de serre et de préservation de la biodiversité, les enjeux de santé humaine comme ceux spécifiques au monde agricole (difficulté des éleveurs à vivre de leur travail, déficit d’attractivité de leur métier à l’heure de la relève des générations) et à l’avenir des territoires ruraux, confère à ce domaine particulier une valeur exemplaire dans la recherche d’un nouveau modèle agricole et alimentaire.
La production animale consomme une grande partie de la production végétale, partout dans le monde. En France, il est proposé de « libérer » de 3 à 5 millions d’hectares de terres arables, qui nourrissent aujourd’hui les ruminants et sont consacrées principalement au maïs ensilage, au colza (pour les tourteaux) et aux céréales, par un redimensionnement (–30 à –50 %) et un recentrage de l’élevage de ruminants sur les prairies permanentes, avec un complément alimentaire limité apporté notamment par des prairies temporaires plus riches en légumineuses (« retour à l’herbe »). La viande de bœuf sera alors largement issue d’un élevage laitier (vaches de réforme, génisses et jeunes mâles), impliquant des croisements avec des races à viande ou le recours à des races mixtes ou « légères » supportant un engraissement à l’herbe et produisant lait et viande de qualité. Une telle production sera valorisée économiquement, au profit des éleveurs, par une politique rigoureuse de labellisation, dans un contexte de réduction de consommation permettant de sauvegarder le pouvoir d’achat des consommateurs. L’élevage des ruminants cessera de faire appel à des protéines (tourteaux de soja) contribuant à la "déforestation importée ». La sécurité et la souveraineté alimentaires de notre pays en sortiront renforcées.
La réduction du cheptel bovin, d’ores et déjà en marche (- 1,5 % par an en tendance), doit être assumée et accompagnée de manière spécifique, plutôt que subie, pour éviter la « casse sociale » et s’assurer qu’elle ne porte pas préférentiellement sur la production laitière.
Introduction
I. Les prairies et l’élevage des ruminants face à des enjeux multiples
II. Une vision et des propositions pour l’avenir
Conclusion
Liste des annexes :
Les deux grands défis du 21ème siècle en matière d’écologie à l’échelle mondiale concernent le changement climatique et la perte de biodiversité. Les liens entre eux sont désormais fortement affirmés par les scientifiques mais ils sont perçus comme confus, s’ils ne sont pas ignorés, dans la conscience populaire et le débat politique.
La lutte contre le changement climatique se décline aujourd’hui à la fois en termes d’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre [GES]) et d’adaptation. Les engagements pris sur le volet « atténuation » s’apprécient désormais en termes d’émissions « nettes » : le cadre politique commun mis en place par l’accord de Paris repose en effet sur le concept de « neutralité carbone », donc sur le solde entre les émissions « brutes » et l’absorption par les écosystèmes [1].
L’alimentation humaine a un impact de premier ordre sur le changement climatique. L’élevage, et particulièrement celui des ruminants (responsables d’importantes émissions entériques de méthane), tient une grande place dans les émissions de gaz à effet de serre ; il est également fortement consommateur de ressources (surfaces de prairies et terres agricoles cultivées pour complémenter leur alimentation [2] [3]) et, avec les monogastriques, il est générateur de pollutions « classiques » (nitrates dans l’eau, ammoniac dans l’air...). Par ailleurs, les recommandations de santé publique indiquent, dans les pays développés, pour prévenir les maladies chroniques, la nécessité de changer les régimes alimentaires, que ce soit en quantité (il faut absorber moins de calories et moins de protéines) ou dans la composition des assiettes, par une réduction de la consommation de viande, notamment de viande rouge, et l’augmentation de la part des aliments d’origine végétale.
Dès lors, il serait tentant de conclure immédiatement qu’une réduction de l’élevage des bovins et de la consommation de leurs produits (lait, laitages et viande) doit être une composante essentielle des politiques publiques destinées à lutter contre le changement climatique et à améliorer la santé publique. La réduction des surfaces agricoles qui lui sont consacrées ouvrirait la voie à un redéploiement vers des cultures de végétaux à vocation alimentaire (ou même énergétique), dans des conditions possiblement moins intensives et plus respectueuses de l’environnement. Une partie de ces surfaces pourrait aussi être afforestée.
Toutefois, les prairies utilisées par les animaux d’élevage représentent un stock naturel important de carbone dans les sols, qu’il convient de préserver et si possible d’accroître pour atteindre la « neutralité carbone ». Elles présentent par ailleurs une riche biodiversité, adaptée aux divers contextes écologiques, et contribuent à ce titre à la protection et à l’adaptabilité des écosystèmes locaux. Ces prairies peuvent donc contribuer significativement, à la fois à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’à la préservation de la biodiversité et des services écosystémiques.
D’autres considérations conduisent également à faire preuve de discernement, en particulier dans les zones à handicaps naturels (montagne...) : (i) l’espace français est, depuis de nombreux siècles, fortement marqué par la présence des pâturages, et la réduction de leur surface depuis un siècle et demi (dans une compétition historique avec la forêt) conduit souvent à une « fermeture » des paysages qui suscite des réserves quant à son impact sur l’attractivité du monde rural et son développement (activités, tourisme, population, etc.) ; (ii) l’économie des régions de prairies (notamment en moyenne montagne) est fortement dépendante de l’élevage, celui-ci étant à l’origine d’emplois nettement plus nombreux que la forêt qui pourrait s’y substituer.
C’est la contradiction apparente entre ces diverses considérations que la présente note tend à résoudre, pour la France (considérée dans son environnement communautaire et international), en s’appuyant sur les données scientifiques disponibles, afin d’objectiver les phénomènes à l’œuvre, d’identifier des “espaces de solutions” et de dégager des propositions d’action à court et moyen termes à destination des responsables politiques et des administrations, volontaristes mais « sans regret ».
Compte tenu de la complexité de ces questions, la réflexion est concentrée sur l’avenir des prairies et de l’élevage de ruminants qui en dépend directement. L’ensemble de l’agriculture, et notamment l’élevage des monogastriques (porcs, volailles), ainsi que la forêt, ne seront évoqués que dans leurs rapports (de complémentarité ou de concurrence) avec ces derniers.
Cette note est actuellement ouverte à la co-construction citoyenne. Ceci signifie que chacun(e) peut contribuer à son amélioration en faisant des commentaires et surtout en proposant des amendements précis, soit ci-dessous ou par email à l’adresse contact@lafabriqueecologique.fr. À l’issue de cette période collaborative, le groupe de travail qui a rédigé le document initial se réunira une dernière fois pour retenir les amendements jugés pertinents. Leurs auteurs seront dans ce cas sollicités pour que leur nom figure, s’ils le souhaitent, dans la fiche de présentation de la note en tant que contributeur. La version définitive sera ensuite publiée.
Membres du groupe de travail
Grands témoins
Président du Groupe de travail Prairies
[1] Ainsi que par le captage et le stockage géologique de CO2.
[2] 2
[3] Y compris, pour l’alimentation des pays riches, dans certains pays en développement, d’où nous importons des aliments pour le bétail (tourteaux de soja, etc.), et où les cultures se développent au détriment des forêts primaires (« déforestation importée »).
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