Depuis quelques jours la Gironde est confrontée à des feux de forêt violents sur des surfaces importantes. Ainsi, plus de 20 000 hectares ont malheureusement déjà brûlé, et les flammes sont encore actives même si les feux semblent désormais maîtrisés.
L’urgence semblant désormais derrière nous, il est temps de tirer quelques analyses de ces événements, de remettre en perspective ces incendies et d’esquisser des pistes afin d’envisager l’avenir.
Ils provoquent d’abord des pertes économiques directes (filière forestière publique et privée ; campings et restaurants détruits) et indirectes (baisse de la fréquentation touristique en pleine saison, dévalorisation foncière...). Celles-ci peuvent être compensées en partie ou en
totalité par la solidarité nationale.
Ces incendies constituent aussi un choc culturel et patrimonial puissant pour les habitants car c’est le paysage et les imaginaires de cette terre de Gascogne qui sont affectés par les flammes. Seule une reconstruction qualitative associant la population peut effacer ou
surmonter ce choc.
Les pertes en matière de biodiversité sont immenses et ce sont deux écosystèmes forestiers très différents qui sont profondément affectés. Le premier est la forêt dite usagère du cordon dunaire, ancienne et relictuelle, très variée et d’une incroyable richesse écologique. Elle témoigne aussi de fonctions sociales héritées du Moyen âge dans son mode d’exploitation, qui constituent également un véritable patrimoine.
La forêt de Landuras est une forêt d’exploitation, plus récente (les grands peuplements en pins maritimes datent du XIXe siècle et ont perduré jusqu’à présent) avec un modèle d’exploitation plus intensif, mais qui contient également une biodiversité significative et intéressante.
Ce ne sont donc pas que les arbres qui sont affectés par les incendies, même s’ils en sont la partie la plus visible mais bien des écosystèmes forestiers dans l’ensemble de leurs composantes floristiques arborées, arbustives, et herbacées, mais aussi faunistiques, fongiques, microscopiques, etc.
D’abord, à court terme, il s’agit d’évaluer l’ampleur réelle des dégâts, économiques comme écologiques. Ces derniers peuvent être variables en surface et en intensité selon la façon dont le feu s’est comporté.
Ensuite, à court et moyen terme, il s’agit de mettre en place des actions impactantes pour préserver ce qui subsiste et permettre la restauration des écosystèmes forestiers en conservant les potentialités écologiques et les capacités de régénération, et notamment :
Enfin il est indispensable de prendre le temps de réfléchir à l’avenir de ce territoire, des humains qui y vivent et de sa biodiversité, et de se projeter à long terme.
En effet, dans un contexte de réchauffement climatique prononcé qui va se renforcer, il est essentiel d’éviter le renouvellement d’un incendie d’ici 30 à 50 ans car ce pas de temps mettrait gravement en cause les écosystèmes et les espèces, et le devenir économique de la production forestière.
La seule amélioration de la défense forestière contre les incendies (DFCI) et des moyens de lutte, même si elle est sans doute nécessaire, ne saurait suffire.
Il paraît donc tout aussi indispensable d’accompagner également l’ensemble des propriétaires, forestiers et habitants de tout le territoire des landes de Gascogne (y compris celui qui n’a pas brûlé) pour éviter que se reproduisent de tels incendies en d’autres lieux et ainsi leur permettre de se projeter et de mieux construire un long terme viable, résistant et résilient.
Pour cela, il apparaît nécessaire de repenser nos choix individuels et collectifs pour anticiper les changements environnementaux et climatiques et ne pas reproduire à l’identique un modèle économique et d’aménagement qui montre d’ores et déjà ses limites.
En effet, une bonne partie de ces paysages végétaux n’ont pas beaucoup plus d’un siècle et les conditions climatiques, écologiques et sociales ont considérablement évolué depuis. Il est donc légitime de penser que d’autres solutions de renaturation sont possibles, voire souhaitables.
Ainsi il paraitrait particulièrement mal avisé de replanter rapidement, massivement et de façon quasi exclusive en pins maritimes ou en espèces d’arbres exotiques à destination de la seule activité forestière industrielle.
Il conviendrait davantage de privilégier une mosaïque paysagère avec :
Tout cela ne doit pas être décidé de façon verticale ou par l’influence de lobbies économiques sectoriels ou d’intérêts privés. Un dialogue territorial doit se mettre en place au niveau local, associant tous les élus, tous les acteurs, tous les habitants, et bénéficiant de l’éclairage de scientifiques indépendants, afin que ce territoire puisse construire collectivement une trajectoire et un avenir durable face aux changements environnementaux et climatiques qui s’accélèrent.
Rémi LUGLIA,
Président de la Société Nationale de Protection de la Nature
La SNPN est une association à caractère scientifique qui se consacre à l’étude et à la protection de la nature, pour permettre aux écosystèmes et aux espèces d’exprimer le plus librement possible leurs potentialités adaptatives et évolutives. La qualité de leurs interrelations avec les sociétés humaines est également prise en compte. Fondée en 1854, elle est reconnue d’utilité publique depuis 1855.
La SNPN a participé à la création de la convention de Ramsar de 1971 sur les zones humides et assure aujourd’hui sa politique de sensibilisation en France. L’action de la SNPN en faveur de ces milieux remarquables est quotidienne : elle gère deux réserves nationales en zones humides (Camargue et Grand-Lieu) et œuvre, depuis 2007, à la préservation des milieux humides d’Île-de-France. Enfin, elle coordonne et anime le laboratoire d’idées « Zones humides » qui émet des avis et fait des propositions pour la préservation de ces milieux.
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