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Economie Sociale et Solidaire

Business as unusual : qu’est-ce que la lucrativité limitée ?

Par Marc Chastaing, Consultant indépendant en Marketing Stratégique et Développement, auprès des dirigeants de TPE et PME

Piloter une organisation à lucrativité limitée peut être perçu, dans un contexte de financiarisation à outrance, comme un sacerdoce. Oui, l’entreprise à lucrativité limitée a vocation à réaliser du profit. Cela étant, elle génère du profit en faveur d’un projet d’utilité sociale. Et ça change tout.

Marc Chastaing, Consultant indépendant en Marketing Stratégique et Développement, auprès des dirigeants de TPE et PME
Marc Chastaing, Consultant indépendant en Marketing Stratégique et Développement, auprès des dirigeants de TPE et PME
À une époque où l’activité économique est largement influencée par l’évolution de la bourse, on en oublierait presque que l’entreprise n’est pas qu’une machine à profit destinée à reverser des dividendes. Pourtant, Henry Ford, grand entrepreneur devant l’Éternel, ne disait-il pas lui-même : « si l’on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra, car elle n’aura plus de raison d’être » ? À l’instar de Ford, il est encore bien des entrepreneurs qui sont animés par la volonté de faire du business pour l’Homme plutôt que sur son dos. Et à la faveur d’une prochaine loi sur l’économie sociale et solidaire, les entreprises qui réalisent un certain réinvestissement « social » de leurs résultats semblent promues à un bel avenir. L’utilité sociale en valeur directrice Faire connaître la viabilité de l’économie distributive est l’un des principaux objectifs du magazine de réflexion La Grande Relève. Les éditorialistes de cette publication spécialiste de l’économie distributive le reconnaissent pourtant : « l’interlocuteur à souvent beaucoup de mal à “comprendre comment [l’entreprise] pourrait marcher” dans une économie non plus capitaliste, mais distributive ». Cette forme d’entreprise, explique encore La Grande Relève, appartient à l’« économie postcapitaliste », et partage « le souci général […] de partager, au bénéfice de tous, l’expérience acquise ». On peut notamment y rattacher les entreprises de l’économie sociale et solidaire, mues par des valeurs communes. Parmi celles-ci figure l’importance de l’humain sur le capital, la libre adhésion aux projets de l’entreprise, la gestion démocratique de l’organisation ou encore la fameuse lucrativité limitée qui suppose que la majeure partie des excédents soient réinvestis, supposant de la sorte une rémunération nulle ou quasi-nulle du capital. Les entreprises de l’ESS, d’une façon générale, ont fourni 13,8 % de l’emploi privé en 2013 d’après L’Observatoire National de l’ESS. Cela représente 2,33 millions de salariés, ou encore la distribution de quelque 59,9 milliards d’euros de rémunérations salariales brutes. Ces entreprises revêtent la forme d’associations, de mutuelles et de coopératives ou encore de fondations. Toutes ont en commun une organisation, un mode de fonctionnement qui les affranchit de l’impératif de rémunérer à intervalle régulier les détenteurs de leur capital. C’est notamment pour cela que « les entreprises de l’ESS ont créé d’avantages d’emplois ces dernières années et sont plus résilients face à la crise que les structures de l’économie traditionnelle » comme l’expliquait Benoît Hamon, alors ministre de l’ESS et de la Consommation, à l’occasion d’une interview. La lucrativité limitée en pratique En raison de la liberté qu’elle laisse au gestionnaire, l’entreprise issue de l’ESS est donc fréquemment plébiscitée par certains corps de métier qui y voient le moyen d’optimiser leur qualité de service. Parmi ces métiers, on trouve par exemple l’assurance, profession largement représentée par les sociétés à lucrativité limité que sont les mutuelles. Bertrand Da Ros, directeur général de SMI, mutuelle fondée en 1926, s’en explique : « Tout ce qu’une mutuelle détient appartient à ses adhérents, y compris les bénéfices réalisés ». Ces bénéfices, poursuit Bertrand Da Ros, « sont systématiquement mis en réserve pour être réinvestis dans l’entreprise, mais également pour amortir les chocs et ainsi lisser les augmentations de cotisations ». À l’abri de toute pression actionnariale, une mutuelle comme SMI a donc tout le loisir d’utiliser ses excédents pour améliorer la qualité de services proposés à ses adhérents. Les entreprises associatives, qu’elles soient considérées ou non comme commerciales, s’inscrivent également dans une stratégie similaire. L’association est ainsi devenue une forme d’organisation fréquemment observée dans les industries artistiques, sportives et plus généralement culturelles. La raison en est simple : dans ces secteurs où les business models sont le fruit d’un savant équilibre, les deniers sont rares et utilisés avec beaucoup de précautions pour consolider l’activité. Loïc Royant, directeur général de l’association qui gère le festival des Vieilles Charues en témoigne dans les colonnes du Nouvel Economiste : « l’an passé nous avons réalisé 500 000 euros de résultats […] Nous faisons attention à ne pas perdre d’argent et notre trésorerie nous permet de faire face à une ou deux mauvaises éditions, comme lorsque nous avons perdu 800 000 euros en 2005, à cause de la programmation qui n’a pas plu ». Compte tenu des contraintes de la profession et des aléas liés à l’organisation d’un festival de musique, il serait donc très difficile de dépendre d’un actionnaire ou d’un associé pressant. L’entreprise associative, organisation à but non lucratif, s’est donc imposée comme la solution qui a permis aux Vieilles Charrues d’exister depuis plus de 20 ans ! Le secteur bancaire accueille également en son sein de nombreuses entreprises de l’ESS. Les coopératives y sont très représentées, notamment parce qu’elles font preuve d’une remarquable solidité financière. Invité a commenter l’entrée en bourse d’une banque coopérative, Jean-Louis Bancel, président du crédit coopératif, cite l’exemple de Natixis ou du Crédit Agricole. « L’accès aux marchés n’est pas la seule possibilité pour les banques de renflouer leurs fonds propres », explique-t-il. Les établissements qu’il cite ont en effet été « sauvés » par leurs sociétaires qui les ont aidés à traverser des épisodes difficiles financièrement. Une manière de dire que le modèle coopératif offre à l’entreprise d’autres moyens de se perpétuer que d’ouvrir son capital à des parties prenantes extérieures éloignées des ses considérations quotidiennes. Ainsi peut-on considérer, à l’instar du directeur de la mutuelle SMI, que la lucrativité limitée est « à bien des égards la garantie que le profit généré par la performance est ré-utilisé au service de plus d’efficacité économique, opérationnelle et sociale du projet d’entreprise […] C’est un cercle vertueux gage de perfomance durable et de pérennité ». Et si la plupart des entreprises ne peuvent pas se passer de rémunérer leur capital de façon attractive, celles qui échappent à ce constat n’en restent pas moins d’authentiques entreprises au sens fordien du terme. Car plus que toutes autres, ces organisations démontrent qu’une affaire couronnée de succès ne se résume pas à une quête de profit, et se caractérise aussi par sa capacité à remplir une fonction d’utilité sociale.

 

Crédit Photo : freedigitalphotos.net

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