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Wi-Fi : révolution sans fil ?

Le rêve de la "Fée électricité"

Regards croisées de deux intellectuels, français et congolais, Denys Acker – Alain Mabanckou, sur la révolution de la communication sans fil et la nouvelle mythologie qui l’accompagne. Selon l’approche du Double abécédaire, deux visions parallèles « non pas en contradiction, mais en contrepoint : une construction en ellipse, deux foyers qui dessinent un lieu, non pas précaire, mais en tension. » Pour Cyrille Souche, directeur de la publication CDURABLE.info, « le Wi-Fi, l’information et la communication, tout comme l’électricité et l’énergie, sont autant une source de réflexion sur notre condition humaine, dès lors qu’elle est éclairée par les intellectuels, qu’un enjeu majeur pour CDURABLE.info dont la sélection de l’information, la diffusion en ligne et la participation des parties prenantes sont au coeur de son ADN »

W « Wi-Fi » par Denys Acker
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Wi-Fi , communication sans fil,
la réalisation de l’utopie de la modernité !
Quelle merveille si l’on pouvait se passer de tous ces relais matériels qui encombrent notre espace, fils, prises, câbles qui rampent comme des serpents le long des murs et sur nos bureaux ! En fait le « wi-fi » symbolise le rêve de la « Fée Electricité » : domestiquer l’instantanéité de l’éclair énergétique tout-puissant. Le vrai bouleversement de l’électricité ne se limite pas, en effet, aux appareils, aux esclaves mécaniques qu’elle a suscités par le pouvoir de sa baguette magique : après tout, elle ne faisait là que démultiplier le patrimoine mécanique de la révolution industrielle. Elle ne réside même pas dans la formidable révolution de l’information et de la communication que furent la radio, la télévision et l’ordinateur qui aurait été impossible sans elle. La véritable révolution de l’électricité consiste dans un bouleversement quasi métaphysique : elle abolit le temps et l’espace et semble réaliser le grand rêve des humains : se hisser dans une totale contemporanéité avec le monde, s’introduire dans les forges des Dieux. Longtemps les applications pratiques de l’électricité ont masqué le véritable lieu du changement et sa portée radicale. On s’est arrêté, en particulier, à ce niveau intermédiaire encore, quoique magistral déjà : la révolution de la communication. Il est vrai que grâce aux moyens modernes de télécommunication, tout le monde sait au même moment sur la surface entière de la Terre ce qui se passe partout, quasiment à la même minute. Mais l’information ne produit que des représentations. Pour qu’elle grippe sur de l’action, il faut d’abord qu’elle passe par une prise de conscience du concret que contient l’information (ce raz-de-marée en Indonésie a fait des milliers de morts et des dizaines de milliers de malheureux qui ont tout perdu) puis une décision (que faire ?) qui s’ouvre sur la dimension morale (je dois les aider). Parallèlement, je suis exposé directement au drame de l’information : un clou chasse l’autre ! A peine m’apprend-on le Raz-de-marée en Indonésie qu’on m’annonce, au même degré de l’information, que tel club de football a perdu son match. Le quantitatif infini de l’information noie toutes les « nouvelles » dans une allégresse sautillante ou tout est égal à tout, ce qui signifie que plus rien ne vaut rien… Pour retrouver du sens, il faut trier, c’est-à-dire choisir, et le critère de ce choix est pratiquement toujours ce que le Discours Unique propre à chaque société désigne comme recevable et intéressant. On se replie sur une moyenne proportionnelle de l’opinion ; le convenu, bien connu, trop connu filtre l’infini de ce qui se passe en un même moment dans les surprises déconcertantes du Monde. L’Information interdit dès lors la Communication qui impose la participation active. http-_1-bp-blogspot-com_-7RLVJ0Z2Sco_TXYRfJBYyVI_AAAAAAAAKX8_znXmPT240A4_s1600_pigeon.gif Cette paralysie de la Communication par la pléthore de l’information n’a pas une simple origine technique. Elle est une des conséquences de la révolution de l’électricité. En abolissant le temps et l’espace elle supprime ce qui est, pour les humains, la résistance de leur existence réelle sans laquelle les humains ne peuvent ni vivre ni inventer. Qu’on se rappelle : au temps de Louis XIV, il fallait dix jours pour que des estafettes successives, crevant des chevaux sous eux, apportent un ordre urgent à Marseille… Et l’on parle de « pouvoir absolu » ! L’électricité multiplie à l’infini les pouvoirs de l’écriture, dont on sait qu’elle a été inventée à des fins de pouvoir et de domination. Elle assoit l’ubiquité de l’ordre, permet le contrôle total de son exécution. Le Wi-Fi réalise et symbolise, le rêve immémorial de la Magie : être comme des dieux dont le commandement devient directement réalité, eux qui ignorent la résistance de l’espace et du temps, eux dont l’énergie s’exerce directement, sans transformation entropique en énergies dégradées. Mais il s’agit là d’un rêve qui entre dans une contradiction radicale avec la réalité et du monde et de la condition humaine. En effet, les hommes vivent dans un temps successif et un espace limité ; les trois cent mille kilomètres par seconde du temps électrique est un temps qui ne les concerne pas. Le Temps installe leur existence dans une durée en devenir qui est leur précarité, puisqu’il débouche sur la mort. Mais ce temps successif est aussi la condition de leur liberté. Ils sont faits de matière et leur énergie surgit de la transformation des énergies dégradées qui sont à leur portée. D’ailleurs, le temps électrique entre aussi en contradiction avec le Temps de l’Univers lui-même. L’instantanéité du temps électrique a beau sembler réaliser le schéma de la Relativité de la Physique moderne, qui confond espace et temps, matière et énergie ; mais même à trois cent mille kilomètres par seconde, l’électricité se déplace dans l’espace selon une certaine vitesse et le modèle de la physique classique, qui oppose temps et espace, énergie et matière subsiste toujours à l’échelle humaine et à celle du système solaire. La Relativité s’inscrit elle-même dans la Flèche du Temps. L’historicité globale du Monde rétablit la résistance du Temps à l’échelle de l’Univers. Cette double contradiction se range sous la signification centrale de cette grande structure explicative qu’est le Péché originel. Ce mythe fondateur de toute la pensée des hommes a été déformé par une restriction au simple plan de la morale. En réalité son message essentiel est celui-ci : l’homme était fait pour vivre directement de la source première de l’Energie : Divinité ou Energie de l’Univers. Le grand rêve de remonter avant le Péché originel ou de se projeter après la fin du Monde est une folle prétention. Le Temps des humains, celui-là même de l’Univers se loge dans la successivité. Deux Anges en marquent les limites infranchissables : les Chérubins à l’épée de feu qui interdisent la porte du Paradis perdu et Michel, l’Archange à la balance de justicier, qui ouvrira ce moment de la refiguration du Monde et restituera l’accès direct à la source de l’Energie plénière. Qu’on ne rameute donc pas la Science pour tenter d’oublier que la condition humaine est marquée par la dégradation et que les humains vivent en dessous de leurs désirs et de leur vocation ! »
Denys Acker
Denys Acker

Extrait de VENDANGES TARDIVES – Double abécédaire. Denys Acker, Editions Salvator Livre intempestif, puisque pour l’auteur «il s’inscrit dans le temps long de la tradition des moralistes français qui tentent d’utiliser un savoir puisé à de multiples sources pour exercer, du mieux qu’ils le peuvent, un jugement clarifiant». Intempestif aussi, parce qu’il s’installe dans la conviction que comprendre les choses vaut mieux que de vouloir les bouleverser ; mieux, que comprendre et évaluer juste est la meilleure façon d’améliorer un peu les choses.
Vendanges Tardives Double Abécédaire Denys Acker
Vendanges Tardives Double Abécédaire Denys Acker
Intempestif, enfin, par sa présentation en deux abécédaires parallèles, non pas en contradiction, mais en contrepoint : une construction en ellipse, deux foyers qui dessinent un lieu, non pas précaire, mais en tension.
Denys Acker a longtemps enseigné la philosophie et les sciences humaines en classes préparatoires de Sainte-Geneviève à Versailles. Il enseigne aussi à l’université Paris-Dauphine et s’implique pour le développement en Afrique de cursus d’enseignement supérieur de haut niveau à même de fixer localement les jeunes elites intellectuelles. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont : L’Europe entre guerre et paix (DDB, 1992) et La vraie morale se moque de la nature (Salvator, 1998).

 


Alain Mabanckou

Prix littéraire Renaudot en 2006 pour Mémoires de porc-épic.

Le wifi : un monde sans fil ?

La messe est dite : le fil devient de moins en moins utile. Fini le temps où nous nous emmêlions les pieds avec des raccordements sous la table, entre deux pièces, ou carrément au milieu du salon. Les moyens de communication ont atteint l’âge de l’invisibilité. Moins on est visible, plus on est efficace, fidèle – et d’ailleurs, l’appellation Wifi ne pouvait pas mieux tomber, (Wireless Fidelity). L’Internet sans fil incarne ainsi la fidélité, la fiabilité, la vitesse, l’aspect pratique. Ne resteraient plus dans nos esprits que des expressions surannées du genre : « passer un coup de fil », « avoir quelqu’un au bout du fil », « suivre le fil de la pensée de son interlocuteur », « de fil en aiguille », « cousu de fil blanc », « donner du fil à retordre », « ne tenir qu’à un fil », « suivre le fil de la vie ».

Qu’arriverait-il d’ailleurs si nous ajoutions à ces expressions la préposition « sans » ? On aurait ceci : passer un coup de sans-fil, avoir quelqu’un au bout du sans fil, suivre le sans fil de la pensée, de sans fil en aiguille, cousu de sans fil blanc, ne tenir qu’à un sans fil…

Ai-je encore le droit de faire l’éloge du fil sans courir le risque d’être taxé d’homme des cavernes ? Le fil a sauvé des vies – il en a peut-être retiré aussi : les idées de pendaison sont aussi vieilles que son histoire. Mais soyons positifs parce que le fil a tout de même permis à certains de se sortir des situations les plus inextricables. Je pense par exemple à la pauvre Ariane, amoureuse de Thésée. Elle avait eu l’idée lui fournir un fil afin de le tirer du Labyrinthe. L’ingratitude de Thésée qui s’ensuivit ne nous fera pas perdre le fil de notre pensée, pardons, le « sans fil » de notre pensée…

Le monde est un vaste Labyrinthe. C’est la Toile qui nous le prouve de plus en plus. Afin de ne pas nous perdre, le fil nous rassurait. Sans fil, nous nous demandons d’où viennent les informations ? Comment arrivent-elles ? Qui veille à leur circulation ? Où se situe la borne Wifi qui, dès que notre ordinateur entre dans la zone de réception, nous connecte au monde ? Est-ce que quelqu’un d’autre nous lit avant que les messages ne nous parviennent ? « On nous cache tout, on nous dit rien », aurait chanté Jacques Dutronc…

Et puis, il y a cette armée de Wifistes. Ce sont les nouveaux migrants. On peut oublier ses chaussures est sa brosse à dents, surtout pas l’ordinateur portable. Tous leurs bagages sont à l’intérieur. Il faudrait qu’on songe à leur faire payer les kilos très excédents, mais invisibles à cause de la révolution du sans fil. Et nos nouveaux migrants prennent d’assaut les salles d’attente des aéroports et les gares, les terrasses ou les encoignures des cafés, pour peu qu’il y ait une « borne Wifi » dans les environs. En vérité, et ils ne le savent pas : ils sont cernés à l’aide de sans fils barbelés. Et lorsqu’ils louent une chambre d’hôtel, ce n’est pas la fenêtre qui donne sur la mer ou le confort du lit qui les intéresse. Encore moins l’accès aux chaînes câblées. Une seule question les tracasse : est-ce que l’hôtel a un « réseau local sans fil à haut débit » ? Comment ça, vous n’en avez pas ? Il fallait me le dire, j’ai apporté mon ordinateur ! Bon est-ce que l’hôtel d’en face, lui, a le Wifi, vous savez, la Wireless Fidelity ? Oui, il en a, mais les chambres coûtent plus chers. Tant pis, j’annule chez vous, je vais chez eux !…

L’autre fois, il n’y a pas longtemps, j’ai eu mon oncle au bout du sans fil. Je sentais par sa voix tremblotante que l’âge s’acharnait de plus en plus sur lui. Mais sa passion pour la pêche m’a toujours intrigué.

« – Tu vas toujours à la pêche ? ai-je demandé

« – Bien sûr !

Et j’ai poursuivi :

« – Tu sais, tonton, bientôt tu pourras pêcher sans fil…

Il y a eu un silence. Je l’ai entendu toussoter puis hausser tout d’un coup le ton :

 » – Qu’est-ce que tu me racontes-là, hein ? La pêche sans fil ? Et ma cane servira à quoi, hein ? Et puis, soyons sérieux, que deviendront les poissons, hein ? Y en a marre, est-ce qu’on leur a demandé leur avis à eux, les poissons, hein ? La pêche sans fil, c’est encore un truc des Américains ! Tu devrais rentrer au bercail pour te ressourcer, l’Amérique ne te réussit pas.

Quand j’ai raccroché mon téléphone sans fil, je me suis dit : « Et si cette pêche sans fil existait déjà ? » J’ai pris mon ordinateur portable et me suis installé dans le jardin. Hélas, ce jour-là le réseau Wifi ne fonctionnait pas. Alors je me suis réinstallé dans mon bureau. J’ai pris un fil que j’ai raccordé au téléphone. Tout marchait, je pouvais maintenant naviguer, rechercher les informations sur la pêche sans fil et rappeler mon oncle le lendemain…

Texte paru dans Nouvelles Mythologies ouvrage collectif sous la direction de Jerome Garcin, Editions du Seuil, septembre 2007.

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