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Recommandé par Stéphane Hessel

La Voie d’Edgar Morin pour l’avenir de l’humanité

Alors que son livre « Indignez-vous » s’est vendu à près d’un million d’exemplaires, Stéphane Hessel n’envisage pas d’écrire un nouveau « brûlot ». « Il n’est plus temps de proposer l’indignation. Les prochains ouvrages doivent nous apporter des réponses aux problèmes qui nous indignent. Il conseille notamment le nouveau livre de son ami Edgar Morin, « La Voie ». Il faut dire qu’à 89 ans, ce philosophe sait, lui aussi, entraîner son lecteur sur la voie de la jubilation politique et de la stimulation intellectuelle. Directeur de recherches émérite au CNRS, penseur transdisciplinaire et indiscipliné, l’auteur de La Voie est connu pour avoir conçu la « pensée complexe » dans son œuvre maîtresse, La Méthode. Il est docteur honoris causa de vingt-quatre universités à travers le monde. Sa voie ? Sept réformes essentielles pour le XXIè siècle…

Le vaisseau spatial Terre, continue à toute vitesse sa course dans un processus à trois visages : mondialisation, occidentalisation, développement, constate Edgar Morin dans ce nouveau livre. Tout est désormais interdépendant, mais tout est en même temps séparé. L’unification techno-économique du globe s’accompagne de conflits ethniques, religieux, politiques, de convulsions économiques, de la dégradation de la biosphère, de la crise des civilisations traditionnelles mais aussi de la modernité. Une multiplicité de crises sont ainsi enchevêtrées dans la grande crise de l’humanité, qui n’arrive pas à devenir l’humanité. Où nous conduit la voie suivie ? Vers un progrès ininterrompu ? Nous ne pouvons plus le croire. La mort de la pieuvre totalitaire a réveillé la pieuvre des fanatismes religieux et stimulé celle du capitalisme financier. Elles enserrent de plus en plus le monde de leurs tentacules. La diminution de la pauvreté se fait non seulement dans un accroissement de bien-être matériel, mais également dans un énorme accroissement de misère. Allons-nous vers des catastrophes en chaîne ? C’est ce qui paraît probable si nous ne parvenons pas à changer de voie. Edgar Morin pose dans ce livre les jalons d’une « Voie » salutaire qui pourrait se dessiner par la conjonction de myriades de voies réformatrices et nous conduire à une métamorphose plus étonnante encore que celle qui a engendré les sociétés historiques à partir des sociétés archaïques de chasseurs-cueilleurs : une nouvelle économie, une relocalisation et une démondialisation de différentes activités de travail et de production, une débureaucratisation généralisée, une démocratie cognitive, des réformes de société et de vie. (Vous retrouverez ci-dessous, en deuxième partie de cet article, un résumé des sept réformes proposées dans ce livre, rédigé par Edgar Morin, lui-même). Le probable dans un monde interdépendant, où tout s’enchevêtre, mutations et crises, promesses et menaces, est le déclenchement de catastrophes en chaîne. Mais Edgar Morin mise son espoir dans le désespoir, et veut croire en l’inattendu, comme cela s’est déjà vu dans l’histoire humaine. « Ce qu’on peut espérer, c’est non plus le meilleur des mondes, mais un monde meilleur », avance t-il. – Références : La voie d’Edgar Morin – Editeur : Fayard – Date de Parution : 19/01/2011 – 320 pages – EAN : 9782213655604 – Prix public : 19 € Autre livre conseillé par Stéphane Hessel, celui de Susan George, « Leurs Crises, nos solutions ». Nous avons consacré un article sur ce livre lors de sa sortie en mai 2010, vous pouvez le consulter en cliquant ici.

VIDÉO : Edgar Morin chez Giesbert

VIDÉO : Stéphane Hessel et Edgar Morin dans Les Matins de France Culture

La Voie : sept réformes pour le XXIe siècle

Edgar Morin a rédigé une présentation de La Voie à l’occasion des Dialogues en humanité à Lyon en mars 2010. Les voies de la Voie Les réformes politiques seules, les réformes économiques seules, les réformes éducatives seules, les réformes de vie seules ont été et seront condamnées à l’insuffisance et à l’échec. Chaque voie ne peut progresser que si progressent les autres. Les voies réformatrices sont corrélatives, interactives, interdépendantes. Pas de réforme politique sans réforme de la pensée politique, qui suppose une réforme de la pensée elle-même, qui suppose une réforme de l’éducation, laquelle elle même suppose une réforme politique. Pas de réforme économique et sociale sans réforme politique qui, elle même, suppose une réforme de la pensée. Pas de réforme de vie ni de réforme éthique sans réforme des conditions économiques et sociales du vivre et pas de réforme sociale ni économique sans réforme de vie et réforme éthique. Plus profondément encore la conscience de la nécessité vitale de changer de voie est désormais inséparable de la conscience que le grand problème de l’humanité est celui de l’état souvent monstrueux et misérable des relations entre individus, groupes, peuples. La question très ancienne de l’amélioration des relations entre humains, qui a suscité tant d’aspirations révolutionnaires et tant de projets politiques, économiques, sociaux, éthiques, est désormais indissolublement liée à la question vitale du 21ème siècle, qui est celui de la Voie nouvelle et de la Métamorphose. J’ai déjà indiqué qu’à la base, dans toutes les sociétés civiles, il y a multiplicité d’initiatives dispersées, ignorées des partis, des administrations, des médias. Tout est épars, séparé, compartimenté. Mais les reliances, développements et convergences des innombrables initiatives permettraient de frayer des voies qui convergeraient pour former La Voie. La voie de la Réforme politique : politique de l’humanité et politique de civilisation
  • Régénération de la pensée politique
L’action politique s’est toujours fondée, implicitement ou explicitement, sur une conception de la société, de l’homme et du monde, c’est à dire sur une pensée. C’est ainsi qu’une politique réactionnaire a pu se fonder sur Bonald, Joseph de Maistre, Maurras, qu’une politique modérée a pu se fonder sur Tocqueville, que des politiques révolutionnaires ont pu se fonder sur Marx, Proudhon, Bakounine. Une politique qui vise à l’amélioration des relations entre humains (peuples, groupes, individus) doit, plus qu’une autre, se fonder non seulement sur une conception de l’homme, de la société et du monde (ou anthropologie), mais aussi pouvoir se baser sur une conception pertinente du monde contemporain et de son devenir. C’est bien l’effort que j’ai tenté dans « Introduction à une politique de l’homme », « Pour une politique de civilisation », « Terre Patrie ». Il nous faut plus encore : un diagnostic pertinent sur le cours actuel de l’ère planétaire qui emporte l’espèce l’humaine : c’est ce que j’ai tenté dans « Vers l’abîme » et c’est un concentré de ce diagnostic qui se trouve présenté dans la première partie du présent document. La régénération de la pensée politique suppose conjointement la réforme de la pensée que nous indiquons plus loin. La nouvelle politique obéirait a une double orientation, celle d’une politique de l’humanité et celle d’une politique de la civilisation. Et elle veillerait à penser en permanence et simultanément planétaire, continental, national et local.
  • Politique de l’humanité
La politique de l’humanité se justifie comme politique de la communauté de destin de l’espèce humaine face à des problèmes vitaux et mortels communs ; elle concrétiserait cette conscience dans l’idée de Terre patrie, laquelle, loin de nier les patries singulières, les intégreraient dans une patrie commune. Les internationalismes ignoraient l’importance des diversités culturelles et nationales. La « terre patrie » comporterait le souci de sauvegarder indissolublement l’unité/diversité humaine : le trésor de l’unité humaine est la diversité, le trésor de la diversité humaine est l’unité humaine. Elle partirait du constat que la globalisation a créé le substrat d’une société-monde (réseaux de communication multiples sur le globe et économie désormais planétaire) mais sans créer des institutions propres et une conscience commune. Elle oeuvrerait pour la création d’institutions planétaires compétentes pour les problèmes vitaux de l’économie, de la biosphère, des armes de destruction massive, de la protection des richesses culturelles. Il devient désormais nécessaire, d’élaborer, à partir d’une ONU réformée, les premières institutions d’une société-monde qui pourraient, éventuellement par la suite, constituer une première forme de gouvernance mondiale. La politique de l’humanité opérerait le dépassement de l’idée de développement, même soutenable (durable). L’idée de soutenabilité, apporte au développement la prise en compte de la sauvegarde de la biosphère et corrélativement de la sauvegarde des générations futures. Cette idée a une composante éthique importante. Mais cette composante éthique ne peut améliorer profondément l’idée même de développement. La notion de développement, appliquée à la société, dérive de la notion de développement biologique, de l’embryon à la personne devenue adulte. Mais le développement biologique comporte corrélativement progrès en qualités et en quantités, progrès en complexité, donc en solidarité entre tous les éléments en développement, accroissement des communications entre les parties et le tout, accroissement corrélatif de l’unité et des diversités. Or l’idée admise du développement se fonde essentiellement sur le moteur techno-économique, conçu comme locomotive entrainant démocratie et vie meilleure. C’est une idée réductrice, privée de complexité et du sens des solidarités ; elle est sous-développée. Enfin, la notion de sous-développement a quelque chose d’injustement péjoratif, parce qu’on appelle sous-développées des cultures qui comportent des savoirs, des savoir-faire (en médecine par exemple), des sagesses, des arts de vivre souvent absents chez nous ; bien entendu, elles comportent des superstitions, des illusions, mais nous-mêmes nous avons nourri de nombreuses illusions, dont le mythe du progrès comme loi de l’histoire, la dernière étant la capacité de l’économie libérale à résoudre tous les problèmes humains. Nous avons à nous défaire de l’arrogance intellectuelle occidentalocentrique et non des supposés sanglots de l’homme blanc. Il ne s’agit nullement ici d’idéaliser les sociétés traditionnelles, qui ont leurs carences, leurs fermetures, leurs injustices, leurs autoritarismes. Il faut voir aussi leurs qualités et considérer leurs ambivalences. Nous devons également concevoir toutes les ambivalences du développement et promouvoir les aspects positifs de l’occidentalisation (les droits humains, les autonomies individuelles, la culture humaniste, la démocratie). Ces éléments positifs peuvent et doivent féconder une politique de l’humanité, tandis qu’une politique de civilisation devrait refouler au second plan le négatif, qui aujourd’hui est au premier plan, c’est-à-dire l’hégémonie de la quantité sur la qualité, la réduction de la politique à l’économie, la réduction de la connaissance au calcul, (lequel ignore la multi dimensionnalité de l’existence humaine), la domination de la rationalisation (qui écarte tout ce qui échappe à sa logique close), sur la rationalité ouverte. Cela nous confirme que le problème désormais n’est pas de continuer sur la voie du développement, n’est pas même de l’aménager avec quelques adoucisseurs qui le rendraient soutenable ; il est de changer de voie. Nous pouvons commencer à élaborer une voie nouvelle avec une politique de l’humanité et une politique de la civilisation. Une politique de l’humanité peut et doit prendre en charge des problèmes que normalement devrait résoudre le développement, par exemple le problème accru de la faim. Une politique de la santé devrait pouvoir fournir gratuitement les médicaments, notamment contre le Sida aux pays du Sud. Une politique de l’humanité devrait fournir gratuitement aux mêmes pays tous les dispositifs producteurs d’énergie verte, dont les centrales solaires et marémotrices. La politique de l’humanité, c’est aussi une politique humanitaire à l’échelle de la planète qui devrait mobiliser, non seulement les ressources matérielles, mais aussi la jeunesse des pays qu’on appelle développés, mobilisées dans un service civique planétaire, qui remplacerait les services militaires, afin d’aider sur place les populations dans le besoin. Une politique de l’humanité voit les différents problèmes tels qu’ils se posent dans les différentes régions du globe et, au lieu d’une formule standard appliquée dans les contextes les plus divers, elle élaborerait des actions convenant à ces contextes. Une politique de l’humanité est surtout une politique de LA civilisation, qui serait la symbiose entre ce qu’il y a de meilleur de la civilisation occidentale et les apports extrêmement riches des autres civilisations. La politique de l’humanité comporte le respect des savoirs, savoir faire, arts de vivre des cultures y compris orales. Il intègre ce qu’il y a de valable dans l’idée actuelle de développement mais pour le concevoir dans les contextes singuliers de chaque culture ou nation. De plus, comme je l’ai indiqué, il faut compléter la notion de développement par celle d’enveloppement, c’est à dire de sauvegarde des qualités que le développement tend à détruire, de retournement vers les valeurs non matérielles de sensibilité, de cour et d’âme. La politique de l’humanité est une politique de symbioses planétaires : elle prône le grand rendez-vous du donner et du recevoir dont parlait Senghor. Ainsi pour les médecines : elle comporte l’apport des médecines occidentales en hygiène, médicaments anti-sida, etc, mais l’intégration des médecines indigènes, non seulement dans les nations de traditions médicales millénaires, Inde et Chine, mais aussi dans les peuples archaïques d’Amazonie connaissant vertus et venins des plantes ainsi que les thérapies chamaniques. Quant à la politique de civilisation, elle ne saurait être limitée aux sociétés occidentales « développées » ; elle vaut aussi pour toutes les parties occidentalisées du monde. La politique de civilisation s’exercerait contre les effets négatifs croissants du développement de notre civilisation occidentale . Elle viserait à restaurer les solidarités, à ré-humaniser les villes, revitaliser les campagnes, renverserait l’hégémonie du quantitatif au profit de la qualité de la vie, prônerait le mieux plutôt que le plus et contribuerait à la réforme de vie. Elle dépasserait l’alternative croissance/décroissance dans la considération de ce qui doit croitre/décroitre/demeurer stationnaire Tout en étant de portée planétaire, la politique de civilisation peut déjà être entreprise à l’échelle d’une nation et, du même coup, contribuer par l’exemple à développer, pour l’Europe ou l’Amérique latine, une réforme à l’échelle d’un continent. La Voie des Réformes économiques L’établissement d’une institution permanente (conseil de sécurité économique) vouée aux régulations de l’économie planétaire et au contrôle des spéculations financières. Le développement d’une économie plurielle comportant le développement des mutuelles, coopératives, entreprises citoyennes, agriculture fermière, agriculture biologique, alimentation de proximité (en même temps que régression de l’agriculture et de l’élevage industrialisés), généralisation du biochar[[Le Biochar est un charbon de bois produit artisanalement ou industriellement à partir de la biomasse, utilisé pour améliorer ou restaurer les sols]] qui supprimerait la faim dans le monde, microcrédit, commerce équitable, entreprises citoyenne. Le maintien ou la résurrection des services publics nationaux (poste, télécommunications, chemins de fer) et pour l’Europe, l’institution de services publics européens Un new deal de grands travaux de salut collectif (énergies renouvelables, ceinture de parkings autour des villes, transports publics non polluants, aménagement des chemins de fer pour le ferroutage) La voie des Réformes sociales
  • En réponse à l’accroissement des inégalités, institution d’un « observatoire des inégalités » déterminant les réductions progressives des inégalités par le haut et par le bas.
  • En réponse à l’accroissement de la misère, politique d’allocation de logement et nourriture aux démunis et politique d’aide et incitation aux métiers de solidarité et de convivialité ; retour des contrôles humains dans le monde désertique de l’automatisation.
  • Réforme des administrations. Débureaucratisassion des administrations devenues sous-efficientes et inhumaines (cf. les indications dans ma conférence de Madrid) Centrisme, hiérarchie, spécialisation, compartimentation corrigés par combinaison de centrisme/polycentrisme/acentrisme, hiérarchie combinée avec polyarchie et anarchie.
  • Régénération des solidarités par institution de maisons de la solidarité dans les villes et d’un service civique de solidarité, l’aide à la formation aux métiers de solidarité et de convivialité.
  • Résurrection et actualisation de la notion de bien commun naturel (eau, climat), de bien commun social (transports urbains) et conversion des biens culturels (via internet) en biens communs permettant de vastes démocratisations culturelles.
La Voie de la Réforme de pensée Toutes les crises de l’humanité planétaire, dans la mesure où elles sont mal perçues, sous-évaluées, disjointes les unes les autres, sont en même temps des crises cognitives. Nous sommes arrivés au paradoxe où ce qui nous aveugle est notre système de connaissance. Les aveuglements résultant d’une connaissance parcellaire, les illusions propres à une vision unidimensionnelle de toutes choses vont de pair avec le mirage que nous sommes arrivés à la société de la connaissance, alors que nous sommes arrivés à la société des connaissances séparées les unes des autres et que nous sommes inconscients de notre aveuglement. Nous nous croyons détenteurs d’une pensée rationnelle alors que nous ne savons pas distinguer rationalité et rationalisation ni reconnaître les limites de la raison. Notre connaissance séparatrice a perdu l’aptitude à contextualiser l’information et à l’intégrer dans un ensemble qui lui donne sens. Le morcellement et la compartimentation de la connaissance en des disciplines non communicantes rendent inapte à percevoir et concevoir les problèmes fondamentaux et globaux. La réforme de la pensée nécessite une pensée de reliance, qui puisse relier les connaissances entre elles, relier les parties au tout, le tout aux parties et qui puisse concevoir la relation du global au local et celle du local au global. Nos modes de pensée doivent intégrer un va et vient constant entre ces niveaux. Si nos esprits restent dominés par une façon mutilée et abstraite de connaître, par l’incapacité de saisir les réalités dans leur complexité et dans leur globalité, si la pensée philosophique, au lieu d’affronter le monde, demeure enfermée dans des préciosités moliéresques, alors paradoxalement notre intelligence nous aveugle. Notre mode de connaissance parcellarisé produit des ignorances globales. Notre mode de pensée mutilé conduit à des actions mutilantes. Seule une pensée apte à saisir la complexité, non seulement de nos vies, de nos destins, de la relation individu/société/espèce, mais aussi de l’ère planétaire, peut tenter le diagnostic de la course actuelle de la planète vers l’abîme et définir les réformes vitalement nécessaires pour changer de voie. Seule une pensée complexe peut nous nous armer pour préparer la métamorphose à la fois sociale, individuelle et anthropologique. La voie de la Réforme de l’éducation Un nouveau système d’éducation, fondé sur la reliance, radicalement différent donc de l’actuel, devrait s’y substituer. Ce système permettrait de favoriser les capacités de l’esprit à penser les problèmes individuels et collectifs dans leur complexité. Il introduirait aux problèmes vitaux, fondamentaux et globaux occultés par le morcellement disciplinaire. La réforme introduirait à tous les niveaux de l’enseignement, depuis le primaire jusqu’à l’université, les matières suivantes: – les problèmes de la connaissance : l’erreur, l’illusion ; qu’est ce qu’une connaissance pertinente ? – la nature humaine comme trinité individu/société/espèce – l’ère planétaire : de la conquête du monde à la globalisation – la compréhension d’autrui, compréhension entre personnes, entre peuples, entre ethnies – l’affrontement des incertitudes Elle introduirait un enseignement de civilisation portant sur les médias, la publicité, la consommation, la famille, les relations entre générations, la culture adolescente, les addictions et intoxications de civilisation (le consumérisme, l’intoxication automobile, etc…) Une telle réforme d’éducation serait indispensable pour le développement des voies nouvelles. Elle est inséparable de la réforme de pensée. Paradoxalement, l’une suppose l’autre. Seuls des esprits réformés pourraient réformer le système éducatif, mais seul un système éducatif réformé pourrait former des esprits réformés. Marx déjà se demandait « qui éduquera les éducateurs ? ». De fait ce sera par une multiplication d’expériences pilotes que pourrait naître la réforme de l’éducation, réforme particulièrement difficile à introduire car aucune loi générale ne permettrait de l’implanter. C’est elle pourtant qui conduirait à créer la forme d’esprit capable d’affronter les problèmes fondamentaux et globaux, de les relier au concret, et qui conduirait à réformer la pensée. Réforme de l’éducation et réforme de la pensée se stimuleraient l’une l’autre, en un cercle vertueux. La voie de la réforme de vie C’est le problème concret sur lequel devraient converger toutes les autres réformes. Nos vies sont dégradées et polluées par l’état lamentable et souvent monstrueux des relations entre les humains, individus, peuples, par l’incompréhension généralisée d’autrui, par la prosaïsassion de l’existence consacrée aux tâches obligatoires que ne donnent pas de satisfaction, au détriment de la poésie de l’existence qui s’épanouit dans l’amour, l’amitié, la communion, le jeu. La recherche d’un art de vivre est un problème très ancien abordé par les traditions de sagesse des différentes civilisations et, en occident, par la philosophie grecque. Il se présente de manière particulière dans notre civilisation, caractérisée par l’industrialisation, l’urbanisation, la recherche du profit, la suprématie donné au quantitatif. La mécanisation de la vie, l’hyperspécialisation, la chronométrisation, l’application du calcul et de la logique de la machine artificielle à la vie des individus, la généralisation d’un mal-être au sein du bien-être matériel provoquent en réaction une aspiration à la « vraie vie » La réforme de vie vise à échapper à la vie soumise aux contraintes et obligations extérieures comme à nos intoxications de civilisation, elle est de chercher à vivre poétiquement, dans la dialogique permanente entre raison et passion. La réforme de vie doit nous conduire à vivre les qualités de la vie, à retrouver un sens esthétique, à travers l’art, bien sur, mais également dans la relation à la nature, dans la relation au corps, et à revoir nos relations les uns aux autres, à nous inscrire dans des communautés sans perdre notre autonomie. C’est le thème de la convivialité évoqué par Illich dans les années 70. Il existe aujourd’hui, un peu partout, des germes de cette réforme. Ils apparaissent à travers l’aspiration à une autre vie, à travers les choix de vie visant à mieux vivre avec soi-même et autrui, parfois le renoncement à une vie lucrative pour une vie d’épanouissement, ainsi que dans une recherche d’accord avec soi même et le monde, que l’on constate dans les attractions pour le bouddhisme zen, les sagesses orientales et dans la recherche de l’alimentation saine que proposent l’agriculture fermière et l’agriculture biologique. Cette aspiration à vivre « autrement » se manifeste de façons multiples et l’on assiste un peu partout à des recherches tâtonnantes de la poésie de la vie, amours, fêtes, copains, rave parties. Les vacances sont antidotes à la vie prosaïque. Une partie des citadins partage le temps entre, d’un côté, une vie urbaine à laquelle ils sont soumis avec ses contraintes et obligations, et, d’un autre côté, une vie de week-end ou de vacances durant laquelle ils se déprogramment, échappent à la chronométrie, abandonnent les vêtements citadins pour des rustiques, voire la nudité et vivent librement pendant ce temps : le club méditerranée est l’utopie concrète d’une vie libérée même de la monnaie (il faut évidemment payer au préalable pour y vivre sans argent). Le contraste est aussi fort que celui évoqué par Mauss lorsqu’il nous apprend que les esquimaux ont une religion d’été et une religion d’hiver, avec des dieux différents en fonction des saisons. Tout se passe comme si nous avions, nous aussi, des dieux différents en fonction des périodes de la semaine ou de l’année. Mais il ne suffit pas d’alterner : nous devons intégrer dans nos vies quelques-unes des vertus que nous pouvons trouver dans nos vacances et loisirs. Il y a mille ébauches de réforme de vie, d’aspirations à bien vivre, à échapper au mal-être qu’a produit la civilisation du bien-être matériel, à pratiquer la convivialité, qui ne sont pas encore reliées. Mais si on considère ensemble ces éléments qui, séparément, semblent insignifiants, il est possible de montrer que la réforme de vie est inscrite dans les possibilités de notre temps. Le dénominateur commun en est : la qualité prime sur la quantité, le besoin d’autonomie est lié et le besoin de communauté doivent être associés, la poésie de l’amour est notre vérité suprême. Relater ici l’expérience du Monte Verita, celle d’Auroville à travers ses problèmes, celle de communes californiennes, qui ont voulu réaliser la réforme de vie, mais ont échoué, tous ces échecs étant dus, semble t’il, à l’isolement de ces expériences de vie, à l’inconscience des difficultés à maintenir une continuité, et à l’absence d’une conjonction avec d’autres réformes qui leur auraient été solidaires. Parler du besoin d’harmonie qui traverse toute l’histoire humaine et s’est exprimé dans les paradis, les utopies, les idées libertaires-communistes-socialistes, les « communes » californiennes et autres, les explosions juvéniles de mai 68 et qui renaîtront sans cesse sous d’autres formes. Avec toujours les mêmes aspirations à l’autonomie, la communauté, l’aspiration à vivre poétiquement. La prise de conscience que « la réforme de vie » est une des aspirations fondamentales dans nos sociétés est un levier qui peut puissamment nous aider à ouvrir la Voie. Aller au delà de l’esprit de conquête, de domination, de réussite non pas l’annihiler, mais le réguler par le développement des valeurs féminines (amour, tendresse). Aller vers l’esprit d’épanouissement, de communion, de poésie (impossibilité d’éliminer la prose, mais la subordonner). La réforme de pensée dépend de la réforme de l’éducation, mais celle ci dépend aussi d’une réforme de pensée préliminaire, ce sont deux réformes maitresses en boucle récursive l’une productrice/produit de la réforme de l’autre, et indispensable pour la réforme de la pensée politique, laquelle commandera les réformes sociales, économiques, etc. En même temps, la réforme de vie est cruciale, en relation de boucle avec réforme de l’alimentation, de la consommation, de l’habitat, des loisirs/vacances. Ces trois méta-réformes permettent de concevoir la solidarité de toutes les réformes, lesquelles les nourriront … La voie de la réforme morale Constater la barbarie de nos vies. Nous ne sommes pas intérieurement civilisés. La possessivité, la jalousie, l’incompréhension, le mépris, la haine. L’aveuglement sur soi même et sur autrui, phénomène général et quotidien. Que d’enfers domestiques, microcosmes des enfers plus vastes des relations humaines. Nous retombons la sur une préoccupation très ancienne puisque les principes moraux sont présents tant dans les grandes religions universalistes que dans la morale laïque. Mais les religions qui ont prôné l’amour du prochain ont déchaîné des haines épouvantables, et rien n’a été plus cruel que ces religions d’amour. Il semble donc évident que la morale mérite d’être repensée et qu’une réforme doit l’inscrire dans le vif du sujet humain. Si on définit le sujet humain comme un être vivant capable de dire « je », autrement dit d’occuper une position qui le met au centre de son monde, il s’avère que chacun de nous porte en lui un principe d’exclusion (personne ne peut dire « je » à ma place). Ce principe agit comme un logiciel d’auto-affirmation égocentrique, qui donne priorité à soi sur toute autre personne ou considération et favorise les égoïsmes. Dans le même temps, le sujet porte en lui un principe d’inclusion qui nous donne la possibilité de nous inclure dans une relation avec autrui, avec les « nôtres » (famille, amis, patrie) et qui apparaît dès la naissance où l’enfant ressent un besoin vital d’attachement. Ce principe est un quasi logiciel d’intégration dans un « nous » et il subordonne le sujet, parfois jusqu’au sacrifice de sa vie. L’être humain est caractérisé par ce double principe, un quasi double logiciel : l’un pousse à l’égocentrisme, à sacrifier les autres à soi ; l’autre pousse à l’altruisme, à l’amitié, à l’amour… Tout, dans notre civilisation, tend à favoriser le logiciel égocentrique. Le logiciel altruiste et solidaire est partout présent, mais inhibé et dormant. Il peut se réveiller. C’est donc ce logiciel qui doit être stimulé. Il faut concevoir également une éthique à trois directions, en vertu de la trinité humaine : Individu/société/espèce. L’éthique individuelle La réforme morale nécessite l’intégration, dans sa propre conscience et sa propre personnalité, d’un principe d’auto-examen permanent, car, sans le savoir, nous nous mentons à nous-mêmes, nous nous dupons sans cesse. Nos souvenirs se transforment, nous avons une vision de ce que nous sommes et des autres entièrement pervertie par l’égocentrisme. Nous ne pouvons donc faire l’économie de pratiquer l’auto-examen et l’autocritique. Or, là encore, dans notre civilisation, il semble que nous ayons complètement oublié cette possibilité, préférant confier la solution de nos maux moraux et psychiques à des tiers tels les psychiatres, les psychanalystes. Autrui est important pour nous connaître nous-mêmes, mais seul l’auto-examen nous permet d’intégrer le regard d’autrui, dans notre effort pour mieux nous comprendre nous-mêmes, avec nos carences, nos lacunes, nos faiblesses … Aller vers les compréhensions mutuelles. Se comprendre est indispensable si l’on veut comprendre l’autre. Cette compréhension, nous l’avons potentiellement. Nous la manifestons lorsque nous sommes au théâtre, au cinéma, ou lorsque nous lisons un roman. Nous sommes alors capables de comprendre des personnages totalement éloignés de nous, vivant dans des mondes exotiques, ou des personnages ambigus, parfois criminels, comme le parrain de Coppola ou les personnages de Shakespeare. Nous comprenons la misère du clochard, nous comprenons un vagabond comme Charlot. Mais lorsque nous retournons dans la vie courante, nous perdons notre capacité à comprendre autrui. Alors que nous l’avons dans l’imaginaire, nous la perdons dans la réalité. La réforme morale doit développer deux caractéristiques fondamentales chez tout être humain : l’auto-examen permanent et l’aptitude à la compréhension d’autrui. La réforme morale doit bien évidemment être conjuguée avec la réforme de l’éducation et avec la réforme de vie qui, elles mêmes, doivent être conjuguées avec les autres réformes. – L’éthique civique : C’est l’éthique du citoyen qui, dans une société où il dispose de droits, doit assumer ses devoirs pour la collectivité. – L’éthique du genre humain : Autant une éthique universelle concernant tous les hommes était abstraite avant l’ère planétaire, autant la communauté de destin de tous les humains la rend concrète. Nous pouvons aujourd’hui tenter d’agir pour l’humanité, c’est-à-dire d’abord contribuer à la prise de conscience de la communauté de destin humain et à notre inscription comme citoyen de la terre-patrie. En conclusion, Les réformes sont interdépendantes. La réforme morale, la réforme de pensée, la réforme de l’éducation, la réforme de civilisation, la réforme politique, la réforme de vie s’entr’appellent les unes les autres et par la même leurs développements leur permettraient de s’entre-dynamiser Nous devons être conscience de la limite des réformes (de vie, éthique, donc aussi des autres), Homo est non seulement sapiens, faber, economicus, mais aussi demens, mythologicus et ludens. On ne pourra jamais éliminer la capacité délirante, on ne pourra jamais rationaliser l’existence (ce qui serait la normaliser, la standardiser, la mécaniser). On ne pourra jamais réaliser l’utopie de l’harmonie permanente, du bonheur assuré. Ce qu’on peut espérer, c’est non plus le meilleur des mondes mais un monde meilleur. Seul le cheminement des sept réformes régénèrera assez le monde pour faire advenir la Voie vers la métamorphose. Seule la métamorphose pourra améliorer le monde. Tout est à réformer et transformer. Mais tout a commencé sans qu’on le sache encore. Apportons la reliance, la conscience. Travaillons à diagnostiquer, réformer, transformer chacun dans sa voie. Travailler à relier, relier, toujours relier. Répétons le, les réformes sont solidaires : la réforme de pensée dépend de la réforme de l’éducation, mais celle ci dépend aussi d’une réforme de pensée, ce sont deux réformes maîtresses en boucle récursive l’une productrice/produit de la réforme de l’autre, et indispensables pour la réforme de la pensée politique, laquelle commandera les réformes sociales, économiques, etc. En même temps la réforme de vie est cruciale, en relation de boucle avec réforme de l’alimentation, de la consommation, de l’habitat, des loisirs/vacances. Ces trois méta-réformes permettent de concevoir la solidarité de toutes les réformes, lesquelles les nourriront … Les chemins des réformes pourront se relier pour former la Voie. C’est la Voie qui régénérera le monde pour faire advenir la métamorphose. Vous pouvez retrouver l’intégralité de ce résumé en cliquant ici.

 

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David Naulin
David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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