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Transition énergétique : faut-il mettre fin au marché du carbone européen ?

Le Geres répond pour apporter nuances et précisions

Plus de cent-dix organisations de la société civile on rendu publique une déclaration qui exige de l’Union européenne (UE) qu’elle abandonne le marché du carbone européen (ETS). Après sept ans d’échecs répétés, l’UE a perdu toute crédibilité lorsqu’elle annonce vouloir « corriger » ses défaillances.

« Inefficace, coûteux et dangereux, le marché carbone européen entrave toute politique climatique à la hauteur des enjeux », estiment les organisations signataires de cette tribune, « c’est-à-dire qui permette de réduire drastiquement la forte dépendance de l’UE aux énergies fossiles et de transformer profondément nos modes de production et de consommation ». Le GERES (une association de solidarité internationale qui travaille depuis plus de 35 ans à la lutte contre la pauvreté par l’accès à l’énergie tout en limitant les changements climatiques) a souhaité réagir à cette déclaration avec un droit de réponse que nous publions ci-dessous.

Il est temps de mettre fin au marché du carbone européen : pour une véritable transition énergétique

Dans cette déclaration, les cent-dix organisations signataires considèrent que : « Le marché du carbone européen, politique phare de l’UE face au changement climatique, a été mis en place en 2005 et a donné lieu au plus grand marché de carbone du monde [[Le SCEQE fonctionne dans 30 pays : les 27 États membres de l’Union européenne plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Il couvre les émissions d’environ 11 000 installations, y compris des centrales électriques, des usines de combustion, des raffineries pétrolières, des usines produisant du fer ou de l’acier, aussi bien que des usines produisant du ciment, du verre, de la chaux, des briques, de la céramique, de la pulpe, du papier et de l’ardoise, ce qui représente 40 % des émissions totales de l’Union européenne.]]. Ce marché inclut des systèmes ‘de quotas et d’échanges’ et de ‘compensation’ qui permettent aux participants d’acheter et de vendre des permis d’émissions ainsi que des crédits de compensation carbone afin de respecter leurs objectifs de réduction d’émissions ou bien simplement de tirer profit du marché. L’idée est de rendre rentable la réduction des émissions de gaz à effet de serre industrielles d’une en créant des incitations pour des innovations favorables au climat afin d’orienter ainsi l’industrie sur une trajectoire faible en carbone. Mais ce dispositif a échoué. L’obsession de l’UE sur ‘le prix’ comme vecteur de changement ne l’a pas seulement enfermée dans un système économique dépendant des industries extractives polluantes – avec une augmentation rapide des émissions liées aux combustibles fossiles en 2010 et 2011 [[UNEP (2012) The Emissions Gap Report, www.unep.org/pdf/2012gapreport.pdf.]] . Cet échec est également voué à s’étendre plus largement dans la mesure où le marché carbone européen est utilisé comme modèle pour d’autres marchés de ce type dans des pays comme le Brésil et l’Australie et comme modèle pour des marchés portant sur les ‘services écosystémiques’ liés à la biodiversité, l’eau et les sols. Les gouvernements de l’UE et la Commission européenne sont déterminés à maintenir le marché carbone européen comme pilier central des politiques de l’UE sur le changement climatique, avec la phase III démarrant en 2013. Cependant, il est évident que les échecs structurels du marché carbone ne peuvent pas être corrigés : – Le marché carbone européen n’a pas réduit les émissions de gaz à effet de serre. Profitant d’un excès de permis d’émissions gratuits et de crédits bon marché provenant de projets de compensation dans des pays du Sud, les pires pollueurs n’ont eu que peu d’obligations de réduire les émissions à la source, voire pas du tout. En effet, les projets de compensation ont abouti à une augmentation des émissions dans le monde: même des sources conservatrices évaluent qu’entre 1/3 et 2/3 des crédits carbone introduits sur le marché carbone européen «ne représentent pas de réductions d’émissions réelles» [[Wara, M. (2008) A Realistic Policy on International Carbon Offsets, Program on Energy and Sustainable Development Working Paper #74, April 2008, Stanford University, http://pesd.stanford.edu/publications/a_realistic_policy_on_international_carbon_offsets.]]. Les réductions d’émissions signalées après 2008 dans l’UE peuvent être attribuées principalement à la crise économique – une majorité d’études conviennent du manque de preuves d’un lien de causalité entre les réductions d’émissions et le marché carbone européen [[European Environmental Agency (2011) Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2011: Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets, Copenhagen: EEA, p.37, www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2011.]]. La délocalisation de productions industrielles vers les pays du Sud est une autre source ‘de réductions’. Une étude publiée par l’Académie des Sciences des Etats-Unis estime que dans certains pays européens, les émissions ‘importées’ – résultant de l’importation des produits et non comptabilisées comme des émissions européennes – ajouteraient plus de 30 % au total des émissions [[Davis, S. and Caldeira, K. (2010) Consumption-based accounting of CO2 emissions, PNAS, 107(12), pp. 5687-5692, www.pnas.org/content/107/12/5687.full.]]. – Le marché du carbone européen a fonctionné comme un système de subvention pour les pollueurs. Les deux premières phases du marché du carbone européen (2005-2007, 2008-2012) accordaient aux sites industriels des permis gratuits basées sur leurs émissions passées, agissant comme une subvention de facto pour les plus grands pollueurs. La sur-attribution de permis a conduit au maintient de l’usage des technologies existantes et a gommé toute incitation à une transition vers des processus de production à faible intensité carbone. Des recherches estiment que presque l’intégralité du coût de mise en conformité avec le marché carbone européen a été financé par les consommateurs. L’étude suggère que les bénéfices exceptionnels qui en ont été tirés ont atteint 14 milliards d’euros entre 2005 et 2008 B[[ruyn, S. et al. (2010) Does the energy intensive industry obtain windfall profits through the EU ETS? CE Delft, www.ce.nl/publicatie/does_the_energy_intensive_industry_obtain_windfall_profits_through_the_eu_ets/1038.]]. Les producteurs d’électricité peuvent eux aussi répercuter aux consommateurs ‘le coût d’opportunité’ de mise en conformité en augmentant le prix de l’électricité, bénéficiant de bénéfices exceptionnels situés entre 23 et 71 milliards d’euros dans la deuxième phase [[Point Carbon, WWF (2008) EU ETS Phase II – The potential and scale of windfall profits in the power sector, http://wwf.panda.org/index.cfm?uNewsID=129881.]]. Les lobbies industriels se sont assurés que plus de 75% de l’industrie manufacturière européenne continuera à recevoir des permis gratuits au moins jusqu’en 2020 (assurant un revenu supplémentaire aux pollueurs aux alentours de 7 milliards d’euros par an au détriment des deniers publics). Chaque tentative pour mettre fin à ces largesses s’est heurtée à un fort lobbying des industries fortement consommatrices d’énergie. Dans la phase III, seul le secteur de l’énergie devra acheter des permis aux enchères et même dans ce cas, des exceptions sont prévues pour des fournisseurs en Europe centrale et en Europe de l’Est, y compris ceux qui dépendent fortement du charbon pour la production d’électricité. Rien de tout ceci ne devrait être surprenant, puisque le marché du carbone européen a été conçu pour plaire à l’industrie. Le géant pétrolier BP, avec l’appui du gouvernement britannique, était parmi les entreprises qui ont fait pression sur l’UE pour ce système [[Corporate Europe Observatory, http://corporateeurope.org/publications/bp-extracting-influence-eu.]]. – Le marché du carbone européen se caractérise par des prix du carbone volatiles et en baisse. Les prix du carbone ont été continuellement instables et en baisse depuis 2008. Le minimum historique a été atteint en décembre 2012 avec des permis de vente à 5,89 € et des crédits de compensation à 0,31 € [[Point Carbon, 03 December, 2012, EU carbon prices hit record low on vote delay, www.pointcarbon.com/news/reutersnews/1.2080305.]]. Selon des analystes de marché, on ne peut guère compter sur des niveaux de prix susceptibles d’inciter au moindre changement dans la production d’énergie. Même dans le cas où des prix élevés prévisibles pouvaient d’une façon ou d’une autre voir le jour – ce qui est à l’opposé des résultats attendus du marché du carbone européen – ils seraient insuffisants pour provoquer les changements structurels nécessaires pour faire face au changement climatique en l’absence d’autres mesures. – Le marché du carbone européen accroît les conflits sociaux et environnementaux dans des pays du Sud. Le système permet aux entreprises d’utiliser des crédits de compensation générés par des projets ‘de réduction d’émissions’ principalement mis en œuvre dans les pays du Sud. L’idée est que chaque tonne supplémentaire de carbone ‘économisée’ génère un crédit équivalent qui permette à une autre tonne de carbone d’être relâchée dans l’atmosphère ailleurs. Il a été démontré que le Mécanisme de Développement Propre (MDP), le plus important système de compensation carbone, a entraîné de graves conséquences sociales et environnementales pour les communautés où les projets sont mis en œuvre, y compris des violations des droits humains et du droit à la terre, des déplacements, des conflits et une destruction accrue de l’environnement local [[Checker, M. (2009) Double Jeopardy: Pursuing the Path of Carbon Offsets and Human Right Abuses, in Bohm, S. and Dabhi, S. (2009) Upsetting the Offset: The political economy of carbon markets, UK: MayFly / Carbon Trade Watch (2009) Carbon Trading: how it works and why it fails, www.carbontradewatch.org/publications/carbon-trading-how-it-works-and-why-it-fails.html / EJOLT (2012) The CDM Cannot Deliver the Money to Africa. Why the carbon trading gamble won’t save the planet from climate change, and how African civil society is resisting, www.ejolt.org/2012/12/the-cdm-cannot-deliver-the-money-to-africa-why-the-carbon-trading-gamble-won%E2%80%99t-save-the-planet-from-climate-change-and-how-african-civil-society-is-resisting.]]. Pourtant malgré la preuve croissante d’impacts négatifs, l’utilisation des crédits de compensation sur le marché carbone européen a crû de 85% en 2011 [[Click Green, 19 November 2012, European companies nearly doubled the rate of carbon offsetting last year, www.clickgreen.org.uk/analysis/business-analysis/123760-european-companies-nearly-doubled-the-rate-of-carbon-offsetting-last-year.html.]]. Beaucoup d’entreprises utilisant la compensation ont aussi vendu leurs permis (attribués gratuitement) pour acheter des crédits MDP à un prix significativement plus bas et ont empoché la différence. – Les marchés du carbone sont particulièrement sujets à la fraude. Pour créer des unités carbones commercialisables, on doit mesurer la pollution qui a eu lieu ou qui n’a pas eu lieu, en utilisant des mesures approchées et d’autres procédures de calcul incertaines et souvent invérifiables qui ouvrent la voie aux abus. De plus, en 2010 une énorme ‘fraude carrousel’ sur le marché carbone européen aurait coûté plus de 5 milliards d’euros de perte de TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) aux pouvoirs publics [[Europol (2010) Carbon credit fraud causes more than 5 billion euros damage for European taxpayer, www.europol.europa.eu/content/press/carbon-credit-fraud-causes-more-5-billion-euros-damage-european-taxpayer-1265 / World Bank (2010) State and Trends of the Carbon Market 2010 Washington: p.6.]]. Un tribunal allemand a emprisonné six personnes impliquées dans une fraude de €300 millions sur la vente de permis carbone par l’intermédiaire de la Deutsche Bank et les tribunaux londoniens en ont mis sous écrou [[BBC, 12 December, 2012, Deutsche Bank offices raided in carbon tax fraud probe, www.bbc.co.uk/news/business-20695042 / City of London Police, 7 December 2012, www.cityoflondon.police.uk/CityPolice/Media/News/detectivesdismantlesuspectedcarboncreditfraud.htm.]]. De grandes entreprises comme les producteurs d’acier ThyssenKrupp et Salzgitter ont été exclues pour avoir profité de permis carbone frauduleux alors qu’en décembre 2010, même le très pro-commerce World Wild Fonds for Nature a exigé (sans succès) que «l’UE mette fin à l’utilisation des faux permis»[[World Wide Fund for Nature (2010) ETS credibility at stake as industrial polluters profit yet again, December 14, http://wwf.panda.org/fr/wwf_action_themes/politique_europeenne/?uNewsID=197955.]]. Quelques semaines plus tard, les permis d’émission des gouvernements autrichien et tchèque ont été volés, obligeant à une suspension du marché du carbone européen [[EULib.com (2011) Update on transitional measure: EU ETS registries of Finland, Romania, Slovenia and Sweden to resume operations on 21 March, March 18, www.eulib.com/18march-2011-update-transitional-measure-registries-13743.]]. L’ONU a également dû récuser sa principale agence de vérification du système MDP en 2009 et a dû suspendre l’Ukraine en 2011 à cause d’une fraude minimisant les émissions [[ICIS Heron (2011) UN suspends Ukraine from carbon trading, 12 August, www.icis.com/heren/articles/2011/08/26/9488161/un-suspends-ukraine-from-carbon-trading.html.]]. – L’argent public est gaspillé dans la mise en place de marchés carbone qui ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs d’intérêt public. Les contribuables doivent couvrir le coût de la législation, de la réglementation, et d’une grande partie des mesures et quantification que les marchés carbone exigent, tout comme les coûts liés à l’application des mesures contre la fraude, le vol, la corruption, et l’évasion fiscale. Les industries concernées par le marché carbone européen obtiennent des subventions pour continuer à polluer, tandis que les gouvernements allouent de l’argent public pour compenser l’excédent d’émissions ou les généreuses donations faites aux entreprises soumises au système. On estime par exemple que l’Espagne devra racheter plus de 159 millions de permis d’émissions à l’étranger pour atteindre ses engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto [[Congreso de los Diputados–Agricultura, Alimentación y Medio Ambiente (2012) Legislation X, Session 2, February 2012, www.congreso.es/public_oficiales/L10/CONG/DS/CO/CO_033.PDF / La banque suisse UBS, que l’on ne célébrer habituellement pas pour sa conscience publique, a déclaré, en novembre 2011, que « d’ici 2025, le SCEQE aura coûté 210 milliards d’euros aux consommateurs. Si cette quantité d’argent avait été utilisée pour cibler précisément le remplacement des usines les plus polluantes de l’UE, les émissions auraient baissé de 43 pourcent, au lieu d’un impact presque nul dans le cadre de l’échange de permis d’émissions » (Point Carbon, ‘EUAs slide towards 9 euros, hit fresh 33-month low’, www.pointcarbon.com/news/1.1683984).]]. Dans une période où les citoyens doivent déjà faire face aux graves conséquences de la crise économique et des politiques ‘d’austérité’, le peu d’argent public est détourné de manière irresponsable vers les secteurs des banques et des grandes entreprises qui sont pourtant les premiers responsables d’un grand nombre de ces problèmes. – Le marché carbone européen nous enferme dans une économie dépendante des énergies fossiles. Ce système renforce la logique de surproduction et de sur-consommation basée sur les énergies fossiles. Il permet de polluer plus tout en favorisant la mise en œuvre de projets de ‘développement propre’ qui en pratique causent principalement du tort aux populations et écosystèmes locaux. Les centrales à charbon, les projets de fracturation hydraulique pour exploiter les gaz et pétrole de schiste, et d’autres projets d’infrastructures destructrices, ne cessent de s’étendre en Europe [[Agence économique internationale, Novembre 2012, www.iea.org/newsroomandevents/pressreleases/2012/november/name,33015,en.html.]]. Le marché carbone européen non seulement accentue la dette environnementale des pays industrialisés du Nord envers les pays du Sud, mais il exacerbe également la crise climatique à l’échelle de la planète – qui touche en particulier les groupes les plus vulnérables. Même l’Agence Internationale de l’Energie a maintenant admis qu’au moins les deux tiers des réserves d’énergies fossiles restantes connues doivent rester dans le sol si nous voulons avoir une chance raisonnable de limiter le réchauffement climatique à 2°C [[Food and Water Europe (2012) Trading away your right to clean water: trading and the financialization of nature, www.foodandwaterwatch.org/factsheet/trading-away-your-right-to-clean-water-trading-and-the-financialization-of-nature-2/.]] (ce qui est en soi un objectif insuffisant). Si le marché carbone européen doit continuer, cet objectif sera impossible à atteindre. – Le marché du carbone européen ferme la porte à d’autres politiques, véritablement efficaces, de lutte contre le changement climatique. Dans le même temps, il renforce de fausses solutions comme l’énergie nucléaire, les grands barrages hydrauliques, les agrocarburants et la plantation industrielle d’arbres. Par exemple, il décourage le recours à la régulation, qui est perçue comme interférant avec le prix du carbone. Au lieu de promouvoir une approche ‘zéro déchet’, il encourage les dispositifs automatisés de capture du méthane qui requièrent plus de déchets en décomposition et excluent les ramasseurs de déchets et recycleurs informels. De plus, la logique de commercialisation de la pollution est désormais appliquée dans d’autres domaines, tels que la biodiversité ou la gestion du manque de ressources en eau, ce qui a pour conséquence la marchandisation et la financiarisation de chaque fois plus de capacités, fonctions et cycles de la nature. Les dangers sont alors graves ; pour les éviter, il faut accepter de considérer ouvertement le marché du carbone comme le désastreux qu’il est véritablement. En ne stoppant pas le marché du carbone européen, les entreprises continueront à faire du profit au détriment des populations locales, y compris des populations indigène sou dépendantes de la forêt, des petits producteurs et des femmes qui hébergent des projets de compensation écosystémique, ainsi que les communautés voisines des installations qui achètent les permis d’émissions. S’acharner à essayer de ‘corriger’ un système intrinsèquement défectueux détourne l’attention et les ressources des politiques plus justes et efficaces nécessaires. Exporter l’échec du marché du carbone européen vers d’autres pays au nom du ‘leadership’ n’est rien d’autre qu’une nouvelle vague d’intervention dans les pays du Sud, augmentant encore davantage la dette sociale et environnementale du Nord. Bien que les décideurs européens qui se préparent à évaluer le SCEQE semblent enclins à tenter de ‘corriger’ le dispositif pour une phase postérieure à 2020, les organisations soussignées soutiennent qu’il n’existe qu’une seule option qui soit clairement bénéfique au climat : mettre fin une bonne fois pour toutes à ce dispositif. La lutte contre le marché du carbone européen est une lutte pour la justice sociale, environnementale et climatique. C’est une lutte qui vise à transformer nos systèmes énergétiques, agricoles, financiers et de transports, ainsi que nos modes de consommation, de production, de distribution et de gestion des déchets. Nous appelons les organisations et mouvements de la société civile à signer cet appel et à rejoindre la lutte pour abolir le marché du carbone européen ». Les organisations signataires : – AITEC – Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (France) – ANPED – Northern Alliance for Sustainability – Asian Pacific Environmental Network (US) – Asociación Ambiente y Sociedad (Colombia) – Asociatia Kogayon (Romania) – ATTAC (Argentina) – ATTAC (Austria) – ATTAC (France) – ATTAC (Germany) – BankTrack – Beyond Copenhagen Collective (India) – Biofuelwatch (UK) – Biofuelwatch (US) – Both ENDS (The Netherlands) – BROC – Bureau for Regional Outreach Campaigns (Russia) – Cap and Share (UK) – Carbon Trade Watch – Censat Agua Viva / Friends of the Earth (Colombia) – Centre for Civil Society (South Africa) – Center for Environment (Bosnia and Herzegovina) – Centre For Environmental Justice / Friends of the Earth (Sri Lanka) – CESTA / Friends of the Earth (El Salvador) – Climate & Capitalism (Canada) – Climate Justice Collective (UK) – COECOCEIBA / Friends of the Earth (Costa Rica) – Comité para la Anulación de la Deuda del Tercer Mundo (CADTM-AYNA) – Confédération Paysanne (France) – Cordillera Peoples Alliance – Corner House (UK) – Corporate Europe Observatory – Corporate Watch (UK) – Counter Balance – Earth in Brackets (US) – EARTH PEOPLES – ECA Watch (Austria) – Ecologistas en Acción (Spain) – EcoNexus (UK) – Eco Sitio (Argentina) – ECVC – European Coordination Via Campesina – EJOLT – Environmental Justice Organisations, Liabilities and Trade network – Enginyeria Sense Fronteres (Spain) – Entrepueblos/Entrepobles/Entrepobos/Herriarte (Spain) – ERA – Friends of the Earth (Nigeria) – EUROSOLAR.cz (Czech Republic) – FASE (Brazil) – FEASTA – The Foundation for the Economics of Sustainability – FelS – Für eine linke Strömung Berlin (Germany) – FERN – Focus on the Global South – Food Justice (The Netherlands) – Food & Water Watch (Europe) – Food & Water Watch (US) – Fórum Mudanças Climáticas e Justiça Social (Brazil) – France Amérique Latine (France) – Friends of the Earth / Amigos de la Tierra (América Latina y el Caribe) – Friends of the Earth (Africa) – Friends of the Earth (Australia) – Friends of the Earth (Flanders and Brussels) – Friends of the Earth (Ghana) – Friends of the Earth (Malaysia) – Friends of the Earth (Sierra Leone) – Friends of the Earth (Sweden) – Friends of the Earth (US) – Friends of the Siberian Forests (Russia) – Global Alliance of Indigenous Peoples and Local Communities for Climate – Change Against REDD and for Life – Global Forest Coalition – Global Justice Ecology Project (US) – Global Social Justice (Belgium) – GRAIN – Green Cross Society (Ukraine) – Groundwork / Friends of the Earth (South Africa) – India Forum of Forest Movements (India) – Indian Social Action Forum (India) – Indigenous Environmental Network – Indigenous Peoples Movement for Self Determination and Liberation – Instituto Latinoamericano por una Sociedad y Derecho Alternativos (Colombia) – Institutul Verde (Romania) – International Oil Working Group – International Rivers (US) – JA! Justiça Ambiental / Friends of the Earth (Mozambique) – Jubileu Sul (Brasil) – KlimaGerechtigkeit Leipzig (Germany) – Kolectivo El Rebelde (Mexico) – Les Amis de la Terre / Friends of the Earth (France) – Maryknoll Office for Global Concerns – Movimento Mulheres pela P@Z! (Brazil) – NESPON (India) – Network of Indigenous Peoples of the Solomon Islands – New York Climate Action Group (US) – Nucleo Amigos da Terra / Friends of the Earth (Brazil) – ODG – Observatori del Deute en la Globalització (Catalonia) – OILWATCH AMERICA LATINA – Ökologische Plattform (Germany) – Ongd AFRICANDO (Spain) – OSC RECOs – Redes de Cooperação Comunitária Sem Fronteiras (Brazil) – Otros Mundos AC / Friends of the Earth (México) – Philippine Network on Climate Change (Philippines) – Philippine Rural Reconstruction Movement (Philippines) – Platform (UK) – Plataforma Interamericana de Derechos Humanos, Democracia y Desarrollo – Re:Common (Italy) – REDD-Monitor – REDES / Friends of the Earth (Urugauy) – SAVE – Society of Akumal’s Vital Ecology (Mexico) – School of Democratic Economics – SOLdePaz.Pachakuti (Spain) – South Asia Network on Dams, Rivers & People – Taller Ecologista (Argentina) – The Land is Ours (UK) – Third World Network – Timberwatch Coalition (South Africa) – TNI – Transnational Institute (Netherlands) – Unidad Ecologica Salvadoreña (El Salvador) – United Kingdom Without Incineration Network (UK) – Urgewald (Germany) – VZW CLIMAXI (Belgium) – Woodland League (Ireland) – WISE – World Information Service on Energy (The Netherlands) – World Development Movement (UK) – World Rainforest Movement – XminusY Solidarity Fund (The Netherlands)

Droit de réponse du GERES

Avec ce droit de réponse, le GERES « s’appuie sur une expérience de 10 ans en matière d’accès au financement carbone pour apporter nuances et précisions à cet appel sans équivoque ». Pourquoi a-t-on donné un prix au carbone ? Réponse du Geres : « Au même titre que la biodiversité, la stabilité climatique peut être considérée comme un bien public mondial : chacun sur cette planète a le droit d’en bénéficier. Les émissions de gaz à effet de serre contribuent au dérèglement du climat. Elles ont donc un impact négatif sans que celui-ci ne soit pris en compte dans les secteurs de l’économie mondiale. D’un point de vue économique, c’est ce qu’on appelle des externalités négatives. Pour refléter ces coûts sociaux et environnementaux, un prix à la tonne de CO2 émise a donc été fixé ». Pourquoi a-t-on choisi de créer un marché du carbone ? Réponse du Geres : « Il existe 3 principaux mécanismes économiques pour limiter les émissions de CO2 : la fiscalité, la réglementation et le système d’échange de quotas d’émissions. Les 3 peuvent et doivent cohabiter ! La fiscalité (taxe carbone) et le système d’échange de quotas d’émissions ont l’avantage d’influencer le comportement des acteurs économiques qui ont le choix d’agir ou de payer. Par contre, ces mécanismes ont l’inconvénient de peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. La contrainte réglementaire européenne en vigueur sur les véhicules (géqCO2/Km), le bâtiment (kWh/m2) ou encore au niveau sectoriel, permet de réduire sensiblement les émissions de CO2. A Kyoto, en 1997, la communauté internationale a décidé de miser sur le système d’échange de quotas pour réguler les émissions mondiales de CO2 ». Le marché du carbone fonctionne-t-il ? Réponse du Geres : « En théorie, une tonne de CO2 qui coûte 30 € à celui qui l’émet incite ce dernier à agir pour l’éviter. Mais à 5 €, prix actuel du quota d’émission, l’incitation est trop faible pour engager la société dans une transition énergétique. Sur ce point, nous reconnaissons que le système ne fonctionne pas. Notons la jeunesse de ce système et louons les ajustements de la commission européenne pour contrer la chute du prix du carbone : mesures proactives contre la fraude, mise aux enchères et retrait de 900 millions de quotas d’émissions, intégration de nouveaux secteurs émetteurs, et exclusion de certains types de projets (destruction de gaz industriels) ». Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Réponse du Geres : « Les marchés du carbone permettent à des acteurs d’échanger leurs « droits à polluer » mais Kyoto a également instauré des mécanismes dits de projets : le MDP – Mécanisme pour un Développement Propre – et la MOC – Mise en Œuvre Conjointe. Après 10 ans d’existence, le MDP doit être réformé. Sa contribution au développement durable local doit notamment être plus ancrée dans les activités mises en œuvre sur le terrain. Cependant, les 4600 projets menés depuis 2004 ont permis d’éviter plus d’1 milliard de tonnes équivalent CO2 et de lever plus de 200 milliards de dollars US destinés à un développement « propre » dans les pays du Sud ». Le marché du carbone sert-il à quelque chose ? Réponse du Geres : « Les ONG de développement comme le GERES font face à un fléchissement tendanciel des financements institutionnels. La diversification de leurs sources de financements est donc primordiale. La finance carbone fait partie de ces autres opportunités de financements. Grâce au projet de diffusion de cuiseurs améliorés menés au Cambodge depuis 1997, le GERES a permis à plus de 360 000 ménages, soit plus d’1,5 million de personnes de réduire leur consommation de charbon et par conséquent leur précarité énergétique. Le renforcement de la filière économique locale, clef de voûte du projet, a également eu un impact très positif. Ces résultats ont été atteints grâce à la finance carbone ». « Pour le GERES, la finance carbone n’est pas une finalité » explique Renaud BETTIN Responsable du Programme CO2 Solidaire au Geres. « C’est un moyen pour qu’un maximum de personnes bénéficie de solutions énergétiques éprouvées. Enfin, au niveau français, la Mise en Œuvre Conjointe commence à faire ses preuves en permettant de réduire l’apport des engrais chimiques azotés dans l’agriculture, de diversifier l’alimentation des vaches ou encore de valoriser les réductions des émissions de CO2 des particuliers et entreprises liées à au transport ou à l’ habitat ». « Le GERES considère que l’essentiel est d’endosser nos responsabilités en réduisant en priorité nos propres émissions de CO2 que ce soit par nos choix de consommations, par la fiscalité, les réglementations ou les marchés. Il n’existe pas une, mais plusieurs solutions » poursuit Renaud BETTIN. « C’est la mise en cohérence des différents moyens qui est primordiale. Favoriser le développement socio-économique des populations les moins responsables mais les plus vulnérables face aux changements climatiques demeure une question d’équité et de justice. Reconnaissons-le : bien que nécessitant des ajustements, les marchés du carbone ont permis la création de mécanismes de financement pertinents et innovants ». « Cela fait 10 ans que le GERES s’évertue à relever le défi de s’appuyer sur les marchés du carbone tout en étant en accord avec ses valeurs et en prenant en compte la réalité des projets sur le terrain. Il s’agit donc de ne pas fermer les yeux sur ces expériences constructives », conclut Renaud BETTIN.

 

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2 Commentaires

  1. Transition énergétique : faut-il mettre fin au marché du carbone européen ?
    Bonjour à tous,

    Vous trouverez ci-dessous le communiqué de presse du RAC sur le vote du Parlement européen sur le marché européen du carbone.
    Bonne journée,
    Simon

    Le Parlement européen vote contre le climat et pour plus de pollution

    Communiqué du Réseau Action Climat France

    Montreuil, le 17 avril 2013 – Le 16 avril 2013, le Parlement européen a rejeté une proposition législative visant à relancer temporairement le marché européen du carbone, en état de mort clinique. Ce vote défavorable a accentué l’effondrement du prix de la tonne de CO2 (aujourd’hui à 3 euros), ébranlant davantage la sécurité des investissements dans les technologies sobres en carbone.

    Industrie polluante plutôt que secteurs d’avenir

    Cette proposition, qui visait à geler la mise aux enchères de 900 millions de tonnes de quotas d’émissions sur les 8,5 milliards mis en vente dans l’UE sur la période 2013-2020, a été rejetée à 397 voix (dont 63 absentions) contre 334.

    « Il est scandaleux que les députés européens privilégient quelques industries polluantes au détriment des secteurs d’avenir, porteurs d’emplois et d’innovation », déclare Célia Gautier, chargée des politiques européennes au Réseau Action Climat France. « Nous exhortons l’Union européenne à proposer rapidement des solutions pour soutenir la transformation de l’Europe en une économie à faibles émissions de CO2 », poursuit-elle.

    Les parlementaires ont cédé face au lobby

    Les ONG européennes, dont le Réseau Action Climat France, sont consternées de voir que les parlementaires, menés par l’eurodéputée française Françoise Grossetête (membre du PPE), ont cédé face au lobby intense d’un petit groupe d’intérêts du secteur privé, en refusant majoritairement de soutenir une mesure visant à aider à placer un plus juste prix sur la pollution.

    A défaut de dispositif européen, les États membres vont devoir mettre en œuvre rapidement des politiques nationales pour soutenir le marché du carbone en difficulté et pour renforcer l’action de l’UE contre le changement climatique. « Les députés européens reconnaissent largement que gel provisoire ne suffira pas à résoudre les problèmes fondamentaux rencontrés par le marché européen des quotas. Ils faut désormais qu’ils se débarrassent des milliards de quotas excédentaires qui plombent le marché carbone », indique Célia Gautier.

    La réforme reste sur la table

    Une réforme en profondeur du marché carbone européen est toujours sur la table. La proposition de gel provisoire des enchères de quotas a été renvoyée à la commission Environnement du Parlement, en attendant le résultat des réflexions de la Commission. Nous appelons tous les décideurs de l’UE, notamment le Parlement, à faire des propositions solides pour accélérer la transition énergétique et climatique en Europe.

    Contact :

    Célia Gautier, Chargée de mission Politiques européennes au Réseau Action Climat France

    celia@rac-f.org / +33 6 72 34 00 27


    Note : La campagne des ONG en Europe

    Avant le vote en séance plénière, la semaine dernière, les ONG ont organisé à Bruxelles une « vente aux enchères » de quotas carbone en direct, devant le Parlement européen. Des images haute résolution de l’événement sont disponibles[1].

    Crédits photos Lode Saidane / CAN Europe / WWF.

    [1] http://www.flickr.com/photos/wwf_eu/sets/72157633205241412/

  2. Transition énergétique : faut-il mettre fin au marché du carbone européen ?
    Bonjour

    Le droit de réponse du GERES ne cessant de surprendre, voici une réponse point par point à leur argumentation pour le moins étonnante.

    Maxime Combes, Economiste, Attac France

    Ici en .pdf : https://nuage.attac.org/public.php?service=files&t=58c0cddace4f3ce72b7c861326709b72

    Marché carbone :
    pour quelle raison maintenir coûte que coûte un système défaillant ?

    Suite à la publication d’une déclaration exigeant que l’Union Européenne mette fin au marché carbone européen, signé par plus de 115 organisations à travers le monde, le GERES a rédigé un texte de réponse. Afin de poursuivre le débat et d’inviter d’autres organisations, structures, réseaux à y contribuer, voici une réponse à la réponse.

    Notre déclaration a suscité de nombreuses réponses. C’est excellent et nous en sommes ravis. Ainsi de nombre d’organisations, bien que réticentes à endosser cette déclaration, ont souvent reconnu la justesse des arguments développées et nous ont invité à préciser notre propos et poursuivre le débat. D’une manière générale, nous avons le sentiment d’avoir visé juste en permettant de contribuer à rouvrir un débat plus général sur les politiques climatiques et énergétiques nécessaires. La lecture de la réponse du GERES ne peut que nous surprendre, se limitant principalement à soutenir l’existence du marché carbone européen.

    La réponse du Geres débute par quelques réflexions générales tentant d’expliquer pourquoi le marché du carbone existe. Il est pris pour acquis que la meilleure manière de lutter contre les émissions carbone serait d’internaliser « les externalités négatives » en donnant un prix au carbone. Cette assertion, toute idéologique, d’inspiration néolibérale, est tout à fait discutable. Elle n’est pas discutée. Pourtant, pour ne citer qu’elle, Elinor Ostrom, Prix Nobel d’Economie, a démontré combien des règles d’usage et quelques appareillages institutionnels mis en place par des collectifs citoyens pouvaient être souvent bien plus efficaces qu’un système de marché pour gérer et préserver des biens communs.

    Le GERES considère lui que le marché carbone est l’outil le plus adapté, sans apporter de véritable argument. Le GERES omet de mentionner que le choix du marché carbone au détriment d’outils fiscaux et réglementaires fut le fruit d’un rapport de force dans lequel les lobbies industriels ont mis tout leur poids, obtenant une décision qui, en plus de se révéler inopérante pour obtenir des résultats à la hauteur des enjeux, incarne un choix idéologique clair donnant la primauté aux marchés. Pourtant, dans une approche économique théorique classique, il est démontré depuis des années qu’une taxe carbone serait bien plus efficace et économe en ressources qu’un marché.

    Quand le GERES reconnaît que le marché carbone européen est inopérant – seule la faiblesse du prix de la tonne carbone est mentionnée – c’est pour le disculper en mettant en avant « la jeunesse de ce système ». Sept ans pour faire ces preuves n’est-il pas suffisant ? Bon nombre de dispositifs ont été supprimés plus rapidement. Pire, le GERES affirme qu’il faudrait louer « les ajustements de la commission européenne pour contrer la chute du prix du carbone » alors qu’il n’y a pas un seul spécialiste du marché carbone européen pour dire que les propositions de backloading de la Commission européenne pourraient suffire à faire remonter les prix du carbone. Une remontée des prix dont ne veulent absolument pas de nombreux industriels européens, qui multiplient les initiatives en ce sens avec des alliés de poids au sein de la Commission Européenne et du Conseil européen.

    Quels sont les éléments tangibles qui poussent donc le GERES à croire que quelques mesures cosmétiques pourraient réellement permettre d’obtenir des politiques climatiques à la hauteur des enjeux ? De fait, la réponse que le GERES fournit à notre déclaration revient à défendre une position – un marché carbone sans alternative – qui rend totalement illusoire une réduction d’émissions de GES qui soit à la hauteur des enjeux (40 % en 2020 et 80 à 95 % en 2050) ? Dernier exemple en date : deux programmes de lutte contre les dérèglements climatiques viennent d’être abandonnés en Allemagne car la mise aux enchères d’une partie des permis d’émission a rapporté moins que prévu1. Est-il acceptable que l’existence et le contenu de politiques climatiques publiques soient dépendantes des soubresauts d’un marché du carbone ?

    Pour sauver le soldat « marché carbone », le GERES fait ensuite appel aux mécanismes de compensation carbone mis en place dans le cadre des négociations climatiques internationales. Serait-on en train de rêver ? Parle-t-on bien de ces mêmes dispositifs qui sont une aubaine pour des industriels ravis d’être financés pour implanter leurs investissements dans des pays favorables tout en obtenant en retour des certificats de réduction d’émission douteux ? Plus des deux tiers de ces certificats obtenus dans le cadre des mécanismes de développement propre l’ont été pour des projets de réduction de gaz fluorés (HFC, etc.) dont la simple destruction aurait été bien moins onéreuse.

    Bien des projets ainsi financés n’ont en rien permis des réductions d’émissions supplémentaires, additionnelles et la très grande majorité des projets l’ont été en Chine, en Inde et au Brésil. Et non pas en Afrique comme pourrait le laisser penser la réponse du GERES. En plus de contribuer à accroître les conflits sociaux et environnementaux à travers l’accaparement des terres, les violations des droits de l’homme, les déplacements forcés et les atteintes à l’environnement, les systèmes de compensation carbone ont par ailleurs largement alimenté la surabondance de crédits carbone touchant le marché carbone européen. En mobilisant un tel argument pour justifier le marché carbone européen, le GERES contribue à le délégitimer encore un peu plus, si cela était possible.

    Finalement, quel argument reste-t-il au GERES pour justifier le marché carbone ? C’est clair, limpide et écrit en toute lettre : « Les ONG de développement comme le GERES font face à un fléchissement tendanciel des financements institutionnels. La diversification de leurs sources de financements est donc primordiale. La finance carbone fait partie de ces autres opportunités de financements ».

    Alors que la déclaration signée par plus de 115 organisations invite à ouvrir grand le débat sur les politiques publiques dont nous avons besoin pour faire face à l’immensité des défis posés par les dérèglements climatiques – et c’est ainsi que l’ont compris une majorité d’organisations qui nous ont répondu – le Geres escamote grandement ce débat. Finalement, il nous semble que la réponse du Geres prône le statu-quo pour préserver ses sources de financement. Un statu-quo pourtant intenable. Sauf à renoncer à stabiliser le climat.

    Maxime Combes
    Membre d’Attac France et de l’Aitec
    Parmi les initiateurs de la déclaration exigeant de l’Union Européenne qu’elle mette un terme au marché carbone européen : http://scrap-the-euets.makenoise.org/francais/

    @MaximCombes sur Twitter
    maxime.combes@gmail.com