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Le marché de la faim (We feed the World)

Un film de Erwin Wagenhofer en DVD

« Etant donné l’état actuel de l’agriculture dans le monde, on sait qu’elle pourrait nourrir 12 milliards d’individus sans difficultés. Pour le dire autrement : tout enfant qui meurt actuellement de faim est, en réalité, assassiné. » Jean Ziegler, rapporteur auprès de l’ONU sur le Droit à l’alimentation.

Chaque jour à Vienne, la quantité de pain inutilisée, et vouée à la destruction, pourrait nourrir la seconde plus grande ville d’Autriche, Graz… Environ 350.000 hectares de terres agricoles, essentiellement en Amérique latine, sont employés à la culture du soja destiné à la nourriture du cheptel des pays européens alors que près d’un quart de la population de ces pays souffre de malnutrition chronique. Chaque Européen consomme annuellement 10 kilogrammes de légumes verts, irrigués artificiellement dans le Sud de l’Espagne, et dont la culture provoque localement des pénuries d’eau.
Le marché de la faim
Le marché de la faim
WE FEED THE WORLD (le marché de la faim) est un film sur la pauvreté au coeur de la richesse qui éclaire la manière dont notre nourriture est produite et répond aux questions que le problème de la faim dans le monde nous pose. Ce ne sont pas seulement des pêcheurs, des fermiers, des agronomes, des biologistes et Jean Ziegler, fonctionnaire aux Nations Unies qui sont interrogés, mais aussi un des responsables de Pioneer, le leader mondial des ventes de semences, ainsi que Peter Brabeck, le P.D.G. de Nestlé, la plus importante multinationale agro-alimentaire mondiale. « Ce que nous mangeons n’a jamais été aussi bon, nous n’avons jamais été aussi riches, nous n’avons jamais été en meilleure santé, et nous n’avons jamais vécu aussi longtemps qu’actuellement. Nous avons tout ce que nous désirons. » Peter Brabeck, P.D.G. de Nestlé International (Vevey, Suisse)

ENTRETIEN AVEC ERWIN WAGENHOFER

Erwin Wagenhofer
Erwin Wagenhofer
Comment vous est venue l’idée de faire ce film ? Elle provient d’un projet antérieur. Nous tournions un film qui s’appelait Opération Figurini pour lequel nous devions filmer certaines séquences sur les marchés de Vienne. Au moment d’écrire le scénario, j’ai arpenté de long en large les marchés de la ville et je me suis demandé : « Quelle est la chose la plus intéressante dans ces marchés ? » La réponse était : les produits eux-mêmes et leur provenance ! L’idée originale était donc de faire débuter le film sur le marché le plus célèbre de Vienne, le Naschmarkt, et de regarder ce qui se passait derrière le miroir. D’où venaient donc tous les produits alimentaires qu’on y vend ? Ce qui m’importait, c’était l’idée de connexion. Prenez les tomates, par exemple… Eh bien, rien que le fait qu’elles aient voyagé pendant 3.000 kilomètres avant d’arriver jusqu’à moi me semblait curieux. Ça m’interpellait. Et c’est devenu le sujet du film, son véritable sujet. Ce n’est d’ailleurs qu’en arrivant en Espagne qu’on a découvert que le plus vaste espace de culture de produits « verts » du monde entier se trouvait là-bas. Quels ont été vos plus grands sujets d’étonnement ? La surprise majeure, ça a été la taille de ces centres de production. Les poulaillers, par exemple : on a été dans un hangar autrichien d’élevage de taille moyenne qui peut abriter 35.000 poules, mais il y en a qui peuvent en abriter 70.000. On éprouve une sensation inévitable d’inconfort, de gêne dans un tel endroit. C’est dans ce hangar, au petit matin, lorsqu’on rassemble les poules presque totalement dans le noir pour éviter qu’elles deviennent hystériques et difficiles à attraper, que j’ai vécu le pire moment qui me soit personnellement arrivé durant le tournage. Non seulement il y avait un bruit infernal, mais pénétrer dans ce lieu où les poules avaient déféqué et uriné dans une fosse depuis 5 semaines et brusquement glisser sur une poule morte a été, pour moi, une expérience encore plus insupportable que la séquence dans le lieu dédié à l’abattage. Comment avez-vous réussi à parler aux gens qui travaillent dans ces lieux ? Ça a été vraiment difficile de trouver en Autriche des interlocuteurs qui disent plus ou moins ce qu’ils pensent. Vous trouvez des fermiers qui vont, après dix minutes de conversation, se plaindre de l’organisation du marché, des prix, des chaînes de supermarchés en les nommant expressément. Mais lorsque vous leur demandez de répéter cela devant une caméra, ils n’y arrivent plus. Ils ont peur parce qu’ils sont tous distribués par les deux plus grosses chaînes de supermarché d’Autriche. Et ils sont terrorisés à l’idée qu’ils vont perdre leur débouché auprès de la chaîne A ou B. C’est donc un vrai problème. En Espagne, les gens sont avant tout sceptiques. Je me suis demandé vers la fin du tournage pourquoi tous ces gens nous avaient laissés les filmer, et je me suis rendu compte que c’était mon mode d’approche qui les avait incité à le faire. Je n’avais jamais de caméra à la main la première fois que je les rencontrais. Et je venais seul pour bavarder avec eux. Je voulais construire un rapport de confiance. Le film en témoigne d’ailleurs. De toute façon, je n’ai pas cherché avec ce film à exposer ce qui sortait du strict cadre légal réglementant les activités que je filmais. Tout système a ses failles. Et ceux qui essayent de profiter illégalement du système ont des avocats pour les défendre et des juges pour les sanctionner. Ce qui m’intéresse, c’est le long terme. Ce que je montre en Espagne s’y déroule depuis les années 1960, comme le confirme Lieven Bruneel, notre témoin sur place. Il s’agit d’une structure organisée, de plus en plus complexe, dont l’ampleur croit et qui engendre, entre autres, des problèmes d’approvisionnement en eau… Comment avez-vous réussi à rencontrer Peter Brabeck, le patron de Nestlé ? Je lui ai envoyé une lettre assez similaire dans sa forme à celle de Jean Ziegler, l’autre grand témoin du film. Il m’a d’abord dit « non », car il pensait que Nestlé n’était pas concerné par le sujet du film. Et puis en octobre 2004, alors que j’étais avec Jean Ziegler à Genève, j’ai pensé : « Eh bien pourquoi ne pas faire un saut chez Nestlé ? ». J’ai donc passé un coup de fil et j’ai annoncé au représentant de Nestlé que j’arrivais le lendemain et que je voulais le rencontrer face à face. Le fait que je me déplace personnellement a été décisif. L’entretien a été programmé en novembre et a duré une heure et demie. Il est évident que M. Brabeck a suivi d’innombrables séminaires et est nourri d’une rhétorique qui lui permet de formater d’une manière impeccable le message qu’il veut délivrer. J’ai fait le pari qu’à un moment ou à un autre, s’il parlait suffisamment longtemps, il se retrouverait en situation de dire des choses inhabituelles. Et mon pari a réussi. Je suis certain que Peter Brabeck, s’il voit un jour le film, n’aura rien à nous reprocher concernant la manière dont nous avons montré et monté ses propos. Il voit le monde ainsi et il représente cette manière de voir le monde. Il est l’un des aspects du problème. On attend d’un documentaire qu’il montre la vérité ? Est-ce seulement possible ? Je dois, pour vous répondre, citer ce mot d’Heinz von Förster qui disait : « La vérité est l’invention d’un mensonge. » Je ne sais pas exactement ce qu’est la vérité. S’il y a 6 milliards d’individus sur la Terre, alors il y a 6 milliards de vérités. Chacun a sa vision des choses et c’est très bien comme ça. Je suis un fan du subjectivisme. Et j’apprécie avant tout l’authenticité. J’aime quand les gens sont authentiques. Seuls les gens vraiment authentiques sont vraiment intéressants. We feed the World parle de la manière dont je vois les choses en ce début de 21ème siècle. C’est un film totalement subjectif sur l’industrie alimentaire, l’industrie agricole, la manière dont elle est commercialisée. En quoi monsieur Brabeck nous concerne-t-il, mis à part le fait qu’il soit autrichien et que nous mangions ses produits ? Il est de son temps : le temps du profit à tout prix ! « Capitalisme prédateur » comme Jean Ziegler le nomme. Si nous retournons en Espagne dans 20 ans, et que nous voulons retrouver ce que nous y avons filmé, on ne verra plus grand chose parce que le but aura été atteint, et que les prédateurs auront trouvé entre temps un autre endroit pour s’installer, pour produire – c’est le fond du problème – des tomates encore moins chères qu’en Espagne. Des tomates ou des concombres. Ou n’importe quoi d’autre. Il ne s’agit pas de dire si la globalisation est bonne ou mauvaise mais, plutôt, de poser la question suivante : « Comment faire avec ? ». Votre film est-il porteur d’un message ? Il faut changer la manière dont nous vivons, voilà mon message. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut vivre d’une manière différente, acheter d’une manière différente… C’est pourquoi le film s’intitule « We feed the world» et non « They feed the world ». Les Brabeck, les Pioneer et tous les autres, peu importent leurs noms, partagent la responsabilité de ce qui arrive actuellement. « Nous », comme le dit Jean Ziegler, sommes la société civile. Nous sommes consommateurs, nous allons dans les supermarchés, nous devons manger pour vivre, chacun de nous doit faire ses courses et peut les faire où il le préfère : tel est notre pouvoir ! Nous n’avons pas besoin d’avoir des tomates ni des fraises à Noël. Nous n’avons pas besoin qu’on leur fasse parcourir 3,000 kilomètres jusqu’à nous. Nous n’avons pas besoin que nos animaux d’élevage mangent les forêts primitives humides du Brésil et de l’Amérique du Sud. Et si ce n’est pas nous qui agissons, qui agira à notre place ?

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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