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Le Bio : qu’y a-t-il vraiment dans votre assiette ? Idées reçues sur l’agriculture biologique

Décidément, depuis la rentrée, le bio a le vent en poupe auprès de nombreux éditeurs. Nous ne pourrons pas tous les chroniquer mais celui-ci mérite votre attention. Avec l’ouvrage « Le Bio : qu’y a-t-il vraiment dans votre assiette ? », les agronomes Michel Guglielmi et Christophe David dépassent les idées reçues en faisant appel aux connaissances disponibles pour en cerner les enjeux et les limites.

Le bio représente aujourd’hui à peine 2 % de la consommation alimentaire des Français… Et pourtant, que d’émissions, que de unes de magazines et de débats passionnés ! L’agriculture biologique serait ainsi, pour les uns, le Graal des financiers et de l’industrie agro-alimentaire, et pour d’autres, la solution aux grands problèmes de l’environnement… Après avoir été perçu comme une secte de doux rêveurs dans les années 1970, puis comme l’apanage des bobos, le bio serait-il désormais annonciateur de transformations majeures, témoin d un souci croissant d’une consommation citoyenne et responsable ?

Extrait

« Le bio c’est tendance bobo… Cela ne va pas durer » Extrait de l’ouvrage Le Bio : qu’y a-t-il vraiment dans votre assiette ? de Michel Guglielmi et Christophe David – Editeur : Le Cavalier Bleu : Sachez-le, vous votez trois fois par jour. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, colloque TerrEthique, Paris, le 10 février 2011 Bobo, mystiques, doux rêveurs, tendance… les qualificatifs ne manquent pas. Les agriculteurs bio ont longtemps été très marginaux dans les milieux agricoles, perçus comme des néo-ruraux venant de la ville (ce que beaucoup ont été dans les années 1970), de drôles de chevelus refusant le progrès et prétendant donner des leçons aux paysans. Quant aux consommateurs, ils ont porté l’image de gens plutôt anticonformistes, rebelles, ayant un mode de vie à l’écart de la société de consommation, formant une communauté à part, voire fumeurs de marijuana… une sorte de secte peut-être ? « Vous pouvez ne pas croire en Dieu, mais vous devez toujours croire en quelque chose qui donne une signification à votre vie, et façonne votre sentiment du monde. Une telle croyance est une religion. Aujourd’hui, une des plus puissantes religions du monde occidental est l’écologisme. L’écologisme semble être la religion de choix pour les citadins athées. Pourquoi dis-je que c’est une religion ? Et bien, regardez seulement les croyances. Si vous observez attentivement, vous constaterez que l’écologisme constitue en fait une revisitation parfaite au XXIe siècle, des croyances et des mythes judéo-chrétiens traditionnels. » Ainsi s’exprimait, en septembre 2003, devant le Commonwealth Club à San Francisco Michael Crichton (auteur à succès notamment de Jurassic Park en 1990 et du climato-sceptique État d’urgence en 2004). Plus récemment en 2011, Iegor Gran dans son livre L’Écologie en bas de chez moi porte une vision similaire. Le site Alerte Environnement, malheureusement géré par des auteurs inconnus, spécialisé malgré son nom dans le combat anti-écologiste, comporte une rubrique « Écologie, nouvelle religion ? » Que le bio, l’écolo, le naturel, le sans OGM (ou sans autre chose) puissent s’apparenter au renouveau d’une croyance de type religieux, qu’il y ait du mysticisme chez certains écolos, l’idée séduit, en particulier chez les tenants de la religion de la science et du progrès technique. Ou chez ceux qui mettent en avant la liberté individuelle et acceptent difficilement des injonctions à « bien se comporter » vis-à-vis de la planète. À se placer sur ce terrain, on n’avance guère dans la compréhension des phénomènes. La population des consommateurs bio n’est pas homogène, on y trouve des adeptes convaincus, consommateurs exclusifs ou presque, mais aussi des consommateurs occasionnels « intermittents du bio » selon le titre d’un livre publié en 2008 par Claire Lamine. Ainsi les quatre premières motivations d’achat des produits bio (baromètre Agence Bio/CSA 2009) sont dans l’ordre : préserver la santé 95 %, préserver l’environnement 94 %, la qualité et le goût des produits 87 %, des raisons éthiques 72 %. La première et la troisième relèvent d’une approche « utilitariste », (c’est bon pour moi mangeur), la seconde et la quatrième d’une approche « altruiste » (c’est bon pour la planète et les hommes), chaque individu pouvant être au demeurant l’un et l’autre. Il nous semble que plusieurs évolutions sociétales convergent vers un essor de la sensibilité écologique qui porte le bio. Arrêtons-nous sur quatre d’entre elles. On observe une perte de confiance dans la science et la technique, largement motivée par des expériences malheureuses, par la diffusion d’innovations dont on se rend compte plus (trop ?) tard des effets négatifs. Quelques exemples : l’amiante, le DDT, la maladie de la vache folle, les dégâts causés par certains médicaments, les marées noires, les accidents nucléaires… Tout comme on se méfiera des radiofréquences et des antennes-relais, on n’aura guère confiance dans l’innocuité des OGM ou dans l’exposition régulière à de nombreuses molécules chimiques. Une attention croissante est portée à l’environnement. Et si réellement les ressources de la planète n’étaient pas inépuisables, avons-nous le droit de prendre le risque de dégrader ces ressources et de léguer à nos successeurs une situation qui leur rendrait la vie très difficile ? Faut-il croire que de toute façon l’humanité trouvera les moyens technologiques de poursuivre sa course au toujours plus ? Il y a une vraie conviction chez un nombre croissant de gens de la finitude de la planète, de la nécessité de préserver les ressources en eau, en terre, en espèces animales et végétales. Même la Chine, notre usine à tous, qui vient de reconnaître être le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, investit dans la préservation de l’environnement et les énergies renouvelables. Toute conviction n’est pas nécessairement une religion. Avec la chute du mur de Berlin, quand sont devenus patents les échecs aussi bien économiques que sociopolitiques des pays du « socialisme réel », le capitalisme libéralisé s’est retrouvé sans alternative crédible. Pour une part, l’écologie politique renouvelle les critiques contre ce système économique jugé néfaste et injuste. Il nous est arrivé il y a peu d’entendre, à l’occasion d’une réunion publique sur le sommet de Copenhague, un trotskiste connu de longue date et toujours membre du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) commencer sa déclaration par « Nous les écologistes… » Quand Marx voyait la chute du capitalisme dans la baisse tendancielle du taux de profit et dans les contradictions entre le capital et le travail, certains aujourd’hui perçoivent ses limites dans l’exploitation effrénée de ressources limitées. Enfin se développe une certaine conscience consumériste. Elle reste d’ampleur modeste en France, mais de plus en plus naissent des initiatives de consommateurs/citoyens, qui au-delà de leur propre usage d’un bien voient dans leur acte d’achat un moyen d’exercer une parcelle de pouvoir et d’influer sur la marche du monde. Révélateur quoique portant sur un autre objet est à cet égard le doublement en cinq ans du volume de l’épargne placée dans des investissements annoncés comme socialement responsables (Le Monde, 21 septembre 2010). Le bio est susceptible d’exprimer tout cela à la fois : la méfiance à l’égard de la science au service de grands intérêts industriels peu soucieux du bien-être commun et jouant aux apprentis sorciers, la préoccupation d’un usage modéré des ressources de la planète, la contestation d’un ordre économique et social inéquitable, et un désir d’influence sur le monde à travers son comportement d’achat. La grande distribution ne s’y est pas trompée, au grand dam parfois des militants de la première heure. On peut lui reprocher beaucoup de choses, mais certainement pas d’être ignorante des tendances de consommation ; elle scrute en permanence les comportements d’achat, elle est à l’affût de ce qui marche et ne marche pas. Toutes les grandes enseignes multiplient les références bio, principalement sous marque de distributeur (MDD) afin de récupérer de la valeur ajoutée. « Le bio et le commerce équitable, contrairement aux idées reçues, ont traversé sans dommage le cap de la récession. La consommation a progressé de 2 % dans le monde et de 4 % en Europe. Le marché du commerce équitable lui, a crû de 15 % en valeur en 2009. Les marchés britannique et américain ont progressé respectivement de 12 % et 7 %. (…) Malgré la crise, les consommateurs intègrent à leurs dépenses une sorte d’impôt solidarité. (…) Selon le distributeur Système U, les consommateurs sont plus enclins à se porter sur les produits locaux : la proximité donne le sentiment d’agir sur l’économie locale et sur la qualité », lisait-on dans le journal Le Monde du 10 octobre 2010. Voilà qui converge avec des observations du Crédoc dans un Cahier de recherche consacré au « comportement du consommateur suite à la crise ». Il relève une remontée très nette en 2009 des motivations liées au développement durable. Les garanties écologiques associées au produit (+ 9 points), les produits fabriqués par des entreprises soucieuses du droit des salariés (+ 10 points) ou les produits fabriqués dans la région (+ 10 points), passent devant la confiance dans la marque, qui perd 8 points en deux ans. De nombreux facteurs jouent donc en ce moment en faveur de l’écologie et du bio, et ils ne sont pas seulement à l’oeuvre dans les pays les plus riches. Bien malin qui peut dire si cela va durer. En tout cas, il y a une quinzaine d’années, des étudiants de l’ISARA-Lyon avaient éprouvé les pires difficultés pour trouver dans l’agglomération lyonnaise – qui compte plus d’un million d’habitants – une seule supérette acceptant de vendre un café labellisé équitable par Max Havelaar. Encore l’article n’était-il resté dans les rayons que six semaines, faute de clients. À cette évocation, on mesure le chemin parcouru. Bien que tout le monde n’y adhère pas, les évolutions citées semblent profondes et durables. On peut même se demander si des difficultés économiques et sociales accrues, au lieu de les compromettre, ne pourraient pas au contraire les conforter en renforçant l’aspiration à une certaine frugalité.

Les auteurs

Docteur en agronomie, Christophe David est directeur de la recherche et de l’international à l’ISARA-Lyon. Il développe depuis plus de quinze ans des travaux de recherche sur les céréales biologiques et a publié divers articles et chapitres d’ouvrage sur l’agriculture biologique. Il est membre du comité éditorial de la revue Organic Agriculture (Springer). Ingénieur agronome, agroéconomiste, Michel Guglielmi est professeur d’économie à l’ISARA-Lyon (école d’Ingénieurs en alimentation, agriculture, environnement, développement rural) où il enseigne la Politique agricole européenne et les échanges internationaux. Il a dirigé cette école de 2000 à 2009. Il est actuellement délégué général du cluster alimentaire Rhône-Alpes.

Références

Le Bio : qu’y a-t-il vraiment dans votre assiette ? de Michel Guglielmi et Christophe David – Editeur : Le Cavalier Bleu – septembre 2011 – 160 pages – ISBN : 978-2-84670-388-8 – Prix public : 18 €

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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